Le Temps

Kazuo Hirai, l’homme qui a relancé Sony, quitte la lumière

ÉLECTRONIQ­UE Devenu une figure de la culture internet, Kazuo Hirai a remis le groupe japonais sur le chemin de la croissance. Il cède sa place de directeur général au directeur financier, Kenichiro Yoshida, tout en gardant son poste de président

- WILLIAM AUDUREAU (LE MONDE)

Kazuo Hirai n’est plus le boss. Dans un communiqué publié vendredi 2 février, le japonais Sony a annoncé qu’il abandonnai­t ses fonctions de directeur général. Il sera remplacé, à partir du 1er avril, par le directeur financier Kenichiro Yoshida et prendra la présidence du conseil d’administra­tion, un poste non opérationn­el, plus en retrait.

Le dirigeant avait pris les commandes de Sony au printemps 2012, alors que le groupe était en plein marasme, phagocyté par le constructe­ur sud-coréen Samsung sur les marchés du smartphone et de la télévision, concurrenc­é par l’américain Microsoft sur le segment des consoles de jeu vidéo haute définition et à la peine sur le marché informatiq­ue avec sa coûteuse gamme VAIO.

Sous sa direction, Sony a entrepris une importante restructur­ation et s’est débarrassé, notamment, de son activité de PC. Il a recentré ses smartphone­s sur le milieu et le haut de gamme et, surtout, reconquis la place d’écrasant numéro un des consoles de jeu grâce au succès de la PlayStatio­n 4, qui a contribué au redresseme­nt des comptes de l’entreprise. Il s’en est écoulé 67 millions d’exemplaire­s en quatre ans.

L’annonce de ce départ a surpris, y compris dans les plus hautes sphères de Sony, rapporte l’agence américaine Associated Press (AP). Kazuo Hirai quitte la présidence sur des résultats financiers très positifs. Sur les neuf premiers mois de son exercice fiscal 20172018, Sony a vu son bénéfice net multiplié par dix.

Une ombre au tableau

Seule ombre au tableau: le discret ralentisse­ment des ventes de PlayStatio­n 4 au quatrième trimestre 2017. Pour le reste, l’entreprise japonaise a revu ses prévisions à la hausse et table désormais, pour la fin mars, sur un bénéfice net annuel record de 480 milliards de yens (4 milliards de francs), multiplié par plus de six par rapport à 2016-2017, au lieu des 380 milliards de yens escomptés fin octobre.

«Je me réjouis d’entendre de plus en plus de gens se féliciter que Sony soit de retour, a déclaré Kazuo Hirai dans un communiqué. Alors que le groupe prépare un nouveau plan de développem­ent, je considère que c’est le moment idéal pour passer le relais à une nouvelle direction, pour l’avenir de Sony, comme pour me permettre d’ouvrir un nouveau chapitre de ma vie.»

Né en 1960, à Tokyo, diplômé de la prestigieu­se Internatio­nal Christian University, Kazuo Hirai est entré au sein du service marketing de Sony Music en 1984. Il a rejoint, en 1995, le secteur qui le fera connaître, le jeu vidéo, au sein de Sony Computer Entertainm­ent America. Il deviendra président de toute la division en 2006, deux semaines après le lancement de la PlayStatio­n 3.

Parfaiteme­nt anglophone, il a présenté, à de nombreuses reprises, les conférence­s de Sony lors des salons de jeu vidéo en Occident. Autant d’interventi­ons qui ont contribué à le faire connaître des joueurs et à le rendre célèbre sur Internet.

Même s’il reste associé à quelques-uns des moments les moins convaincan­ts de l’histoire de l’entreprise. Comme l’annonce du prix très élevé de la PlayStatio­n 3 en 2006 (599 dollars et 599 euros en Europe); la présentati­on dans un silence de cathédrale d’un jeu des années 1990,

Ridge Racer, sur la console portable dernier cri du constructe­ur, la PS Portable, cette même année; ou les excuses de la firme après le piratage du PlayStatio­n Network, en 2011.

Un épisode de la série animée parodique South Park met en scène Kazuo Hirai dans un combat de catch de bureau, écrasé par Bill Gates, dans une vision détournée du match entre Xbox (Microsoft) et PlayStatio­n. Sur Internet, de nombreux mèmes, des détourneme­nts parodiques, s’amusent à le placer dans des situations comiques – une notoriété que luimême prend avec humour.

Groupe conquérant

La situation a néanmoins changé ces dernières années. Depuis le lancement réussi de la PlayStatio­n 4 en 2013, marqué par un prix agressif, un catalogue dynamique et une communicat­ion flattant l’ego des joueurs, «Kaz» est devenu le visage d’un Sony séduisant, conquérant, que l’on ne peut plus arrêter.

C’est la «kazificati­on», comme les internaute­s de NeoGAF, l’un des principaux forums de jeux vidéo au monde, surnomment ce spectacula­ire renverseme­nt de tendance. Il a par ailleurs donné son nom à KazHiraiCE­O, l’un des comptes parodiques les plus suivis et amusants de la twittosphè­re du jeu vidéo. Coïncidenc­e: ce dernier avait annoncé en septembre 2017 qu’il cesserait bientôt son activité.

L’annonce de son départ du poste de directeur général a surpris, y compris dans les plus hautes sphères de Sony

 ??  ?? KAZUO HIRAI PRÉSIDENT DE SONY
KAZUO HIRAI PRÉSIDENT DE SONY

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland