Quand Mauro Poggia dîne avec les médecins genevois. Ambiance…
Le conseiller d’Etat genevois et les médecins, dont certains font grève, dînaient ensemble lundi soir. Ils ne sont pas parvenus à enterrer la hache de guerre, chaque partie campant sur ses positions
Quand ils ont su que le conseiller d'Etat Mauro Poggia serait présent à leur soirée annuelle, lundi, les médecins genevois ont réfléchi à la boycotter. «Choqués et meurtris» par la polémique sur leurs salaires, ils ont finalement choisi de faire front: «Même si c'est Mauro Poggia qui a choisi la rupture en nous stigmatisant», entame Michel Matter, président de l'Association des médecins du canton de Genève et membre du comité de la Fédération des médecins suisses.
«Très chatouilleux»
Ce ton donne déjà une vague idée du climat qui régnait à l'apéro. Mauro Poggia, d'ailleurs, n'en fait pas mystère: «La salle était sur la défensive. J'ai essuyé quelques piques féroces, on m'a même traité de Trump. L'impression qui domine, c'est une incapacité d'introspection pour une partie d'entre eux, qui continuent de penser que les efforts pour faire baisser les coûts de la santé doivent être faits par les autres. Ils sont aussi très chatouilleux sur leurs revenus.»
Les médecins n'ont en effet pas digéré la petite phrase de Mauro Poggia, reprise par le président de la Confédération Alain Berset la semaine dernière, sur le million de francs de revenus que toucheraient certains spécialistes. Déjà exaspérés par la révision des nouveaux tarifs médicaux (TarMed), les médecins genevois avaient alors protesté par une grève: début janvier, les chirurgiens de la main suspendaient les opérations non urgentes, suivis par les orthopédistes, les gynécologues et les urologues.
«Des collègues opèrent à perte»
Une manière de procéder qui ulcère le conseiller d'Etat: «Autant je peux comprendre que les frappes chirurgicales d'Alain Berset sur certains actes puissent être mal acceptées, autant je trouve indécent de prendre en otage les patients!» Un reproche que le chirurgien pédiatrique Alain Lironi, qui a étrillé le ministre lundi soir, balaie: «Dans le privé, la relation patient-docteur est fondée sur un contrat. Nous disons simplement aux patients dont la pathologie n'est pas urgente qu'ils peuvent se rendre à l'hôpital.» Ce praticien n'en démord pas: «On a tellement dévalorisé certains actes qu'une fois pris en compte le coût de fonctionnement, des collègues opèrent à perte.» Ce qui fait doucement sourire Mauro Poggia, relevant que les autres postes de facturation compensent cette baisse.
Ce duel à fleurets mouchetés laisse peu d'espoir à une avancée significative sur la transparence des rémunérations. Devant un Mauro Poggia arguant que les médecins ne peuvent pas fustiger l'opacité des caisses maladie et faire de même quand il s'agit de leur porte-monnaie, ils n'ont rien lâché: «Ils m'ont rétorqué que ce qu'ils gagnent via les assurances complémentaires ne regarde personne», rapporte le ministre. De leur côté, les médecins estiment avoir montré leur bonne volonté en participant depuis le début de l'année à une enquête fédérale sur la question.
Des pilules difficiles à avaler
Pour l'heure, ils communiquent un revenu déclaré moyen de 207 000 francs, en 2015 à Genève, et un revenu médian de 170 000 francs. Mais la vision étatiste de la santé irrite les praticiens, qui rappellent que les hauts revenus ne sont pas payés par l'assurance de base, mais par l'assurance privée ou les étrangers. «Ils créent de l'emploi et font la réputation de la Suisse», estime Alain Lironi.
Jeudi, Mauro Poggia rencontrera les chirurgiens de la main et espère qu'ils suspendront leur action. Ce d'autant que d'autres options autrement plus dures à encaisser qu'une révision des tarifs TarMed sont en préparation aux Chambres fédérales, comme la limitation du nombre de médecins remboursés par les assureurs. «Eh bien, nous irons devant le peuple!», s'exclame Michel Matter. A l'heure de l'apéro, lundi, le vin était bien aigre.
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