Les finances publiques, noeud gordien de la République
Le projet de réforme de l’imposition des entreprises va encore priver le canton de recettes. Mais gauche et droite sont arc-boutées sur leurs positions
Genève est riche, mais les caisses sont vides. Et le retour à l’équilibre n’est pas pour demain. Avec le projet de réforme de l’imposition des entreprises PF 17 et le renflouement de la Caisse de prévoyance de l’Etat, synonymes de pertes, il va falloir consentir à des arbitrages.
Le temps presse, car la célérité du voisin vaudois en matière d’abolition des statuts spéciaux pour les multinationales pourrait nuire à la République. Vaud a déjà fixé un taux pour toutes les entreprises, à 13,79%, qu’il appliquera dès 2019, alors qu’à Genève, la commission fiscale du Grand Conseil s’est prononcée sur le principe seulement d’un taux à 13,49%. Le différentiel entre les deux cantons pour les entreprises sans statut fait craindre que certaines ne prennent la poudre d’escampette.
Trouver un compromis sera malaisé, car gauche et droite ne l’entendent pas de la même façon. La gauche trouve ce taux trop bas. «Mais surtout, il s’agira de jouer sur les autres variables, comme l’impôt sur le bénéfice et les dividendes, pour amoindrir la perte fiscale», préconise le socialiste et président de la commission fiscale Thomas Wenger. Pour la droite en revanche, PF 17 est l’occasion d’élaborer une fiscalité compétitive. «Vaud, en fixant son taux, démontre une stabilité dont Genève est incapable, estime Cyril Aellen, chef de groupe PLR au Grand Conseil. Or, pour l’économie, la prévisibilité est tout aussi importante que le taux.»
Douze projets de loi
A la veille de ce chantier, gauche et droite affûtent leurs armes sur le terrain fiscal. Pas moins de douze projets de loi ont été déposés. Diminution de l’impôt des personnes physiques pour le PLR, taxation des plus riches pour la gauche, dont les propositions visent toutes à entailler la cuirasse du bouclier fiscal. Et peu lui importe qu’à Genève, 10% des contribuables paient les deux tiers de l’impôt sur le revenu. Elle s’attaque aussi aux propriétaires: «La réévaluation du patrimoine immobilier pourrait amener au moins 100 millions de recettes fiscales supplémentaires», soutient Thomas Wenger. Mais des mesures d’économie, la gauche n’en veut pas.
Le Conseil d’Etat s’y est essayé, mais la plupart des mesures proposées n’ont pas passé la rampe au parlement. Avec des fonctionnaires défendus par la gauche et, désormais, un MCG corporatiste, l’exécutif n’est pas parvenu à réunir une majorité. A droite, on voit mal comment redresser les finances sans toucher au train de vie de l’Etat. «On a créé une usine à gaz, critique Cyril Aellen. Il faut mener une vraie réflexion sur un Etat plus efficace, au lieu d’un Etat interventionniste qui produit une nouvelle économie planifiée.» Pour que Genève avance, il faudra un Conseil d’Etat soudé. Si l’absence de majorité au parlement est un frein à l’action politique, le manque d’adhésion collective de l’exécutif l’est tout autant.
Manifestation de la fonction publique en novembre 2015.