Le Temps

Une mue historique, sans garantie financière

- ALEXANDRE DEMIDOFF @alexandred­mdff

Nouvelle Comédie, Cité de la musique, Théâtre de Carouge: Genève va se doter d’infrastruc­tures exceptionn­elles, sans être sûr de pouvoir en financer les ambitions

Cette grue est un rêve. Cette fosse, une promesse. Jamais Genève n’a construit autant d’infrastruc­tures culturelle­s. Verni sera le prochain président du Conseil d’Etat. Ses ciseaux seront d’or au moment d’inaugurer la Nouvelle Comédie – promise pour 2020 –, le Théâtre de Carouge, la Cité de la musique, cette philharmon­ie de rêve, dont la constructi­on est financée, elle, par des privés.

Une loi contestée

Mais tandis que les grues tournicote­nt, les politiques s’arrachent les cheveux. C’est qu’il ne suffit pas de changer le décor, il faut être en mesure de l’habiter, c’est-à-dire trouver l’argent pour que ces institutio­ns soient à la hauteur des ambitions. La loi de 2015 sur la répartitio­n des tâches entre le canton et les communes a redistribu­é les rôles. Pour ses partisans, elle les a clarifiés, mettant fin aux doublons – deux collectivi­tés publiques finançant une activité. La Ville de Genève embrasse ainsi sous son aile les frais de fonctionne­ment de la Nouvelle Comé- die, ceux du Grand Théâtre, l’aide à la création vivante aussi. Le canton, lui, se concentre sur le livre. «Une hérésie», déplorent les acteurs culturels.

A l’orée de l’été, ceux-ci lançaient une initiative populaire constituti­onnelle demandant que le canton assume ses responsabi­lités dans le domaine. Le 3 janvier, ils la déposaient, forts de 14205 signatures. Directrice de Fonction: Cinéma, Aude Vermeil est l’une des artisanes du mouvement: «Si on entérine la loi de 2015, nos grandes institutio­ns, le Grand Théâtre et la Nouvelle Comédie, sont en danger. Sans parler de la création vivante, qui ne saurait dépendre de la Ville seule. Ce qu’on demande, c’est le cofinancem­ent qui induit la concertati­on et la collaborat­ion entre les collectivi­tés.»

La conseillèr­e d’Etat Anne Emery-Torracinta, qui tient les rênes de la culture sur le plan cantonal, se dit d’accord sur le principe du canton coordonnat­eur. Mais est-elle prête à revenir sur la répartitio­n des tâches? «La réforme sera évaluée. Et tout dépendra du rapport de force politique au Grand Conseil.» A l’opposé, Alexandre de Senarclens, candidat PLR au Conseil d’Etat, soutient la réforme. «Ce qui m’importe, c’est que les grandes institutio­ns, qui ont un rayonnemen­t régional, soient renforcées, avec une seule tutelle politique, le canton ou la commune.»

Au ras des planches, Denis Maillefer espère que la raison l’emportera. «Bâtir de belles coquilles vides, ce serait absurde», note le codirecteu­r de la Nouvelle Comédie, dont la dotation publique devrait passer de 6 à 12,5 millions, d’ici à 2020. «L’enjeu de la législatur­e, c’est qu’on élabore une vision enfin commune de la politique culturelle à l’échelle du Grand Genève», appuie le conseiller national socialiste Manuel Tornare. Conclusion provisoire: on a hâte d’applaudir le décor; on prie pour que les acteurs aient de la vista.

Le projet de la Nouvelle Comédie.

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(LDD)

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