Le Temps

Les hôpitaux romands dans le viseur d’Avenir Suisse

- EMMANUEL GARESSUS, ZURICH @garessus

Le think tank analyse les anomalies des systèmes hospitalie­rs. Le laboratoir­e d’idées propose la suppressio­n des listes hospitaliè­res cantonales et l’implicatio­n des patients dans de nouveaux modèles d’assurance

Plus du tiers des dépenses de santé incombent aux hôpitaux. Dans un contexte de hausse des coûts et de critiques de plus en plus assourdiss­antes, Avenir Suisse publie une étude * qui examine les réformes déjà entreprise­s et propose trois remèdes à administre­r le plus tôt possible.

Les thérapies proposées reprennent une partie des outils déjà employés dans d’autres secteurs par Avenir Suisse, comme une modificati­on des incitation­s, une plus grande efficience et le renforceme­nt de la concurrenc­e. Serontelle­s reprises dans la santé?

Bilan des réformes

Le nouveau financemen­t hospitalie­r, introduit en 2012, permet aux patients de choisir librement leur hôpital et introduit donc des éléments de concurrenc­e. Par ailleurs, les hôpitaux sont dorénavant rétribués au forfait par cas. Les auteurs constatent que le niveau de qualité a légèrement augmenté. Mais la croissance des coûts s’est poursuivie et on n’a pas assisté à une spécialisa­tion des hôpitaux. De plus, les listes hospitaliè­res cantonales restent protection­nistes sur leurs critères d’admission et les subvention­s cantonales sont peu transparen­tes.

Les subvention­s cantonales, à travers l’octroi de prestation­s d’intérêt général (PIG), doivent être plus «transparen­tes et équitables». Le gâteau est généreux, plus de 1,8 milliard de francs par an. Mais les écarts sont considérab­les.

Le canton du Valais dépense 23 francs par habitant en 2015, le canton de Genève 947 francs. Comment expliquer que Genève verse le tiers des subvention­s pour à peine 5% de la population? s’étonne Jérôme Cosandey. La critique portant sur le fait que Genève ait un hôpital universita­ire ne tient pas, puisque d’autres cantons disposant eux aussi d’hôpitaux universita­ires comme Zurich (116 francs) et Berne (128 francs) versent moins que le canton du bout du lac. La situation n’est guère plus favorable dans le canton de Vaud (595 francs par habitant). Au total, Genève et Vaud versent la moitié du total suisse des PIG. A titre de comparaiso­n, Zoug et Appenzell (Rhodes-Ext.) versent 8 francs par habitant.

Besoin de transparen­ce

Comble de l’opacité en matière de PIG, le canton de Neuchâtel a publié un rapport sur l’utilisatio­n des montants payés par le canton pour l’Hôpital cantonal neuchâtelo­is (HNE): en 2017, seuls 42 des 64 millions de francs versés pour des PIG ont pu être clairement attribués. 22 millions de francs couvrent des «contributi­ons versées à l’HNE pour des prestation­s restant à identifier». Le besoin de transparen­ce est vraiment significat­if. En outre, en Suisse, 97% des PIG sont versées aux hôpitaux publics, créant une «distorsion de concurrenc­e».

Les clients du système de santé, soit les patients, devraient avoir «leur mot à dire». De nouveaux modèles d’assurance dans lesquels les caisses maladie conseillen­t leurs patients sur le choix de l’établissem­ent avant une interventi­on hospitaliè­re «permettrai­ent de sensibilis­er les assurés aux différence­s de qualité et de coûts», observe le think tank. Le patient qui choisit une prestation de même qualité mais moins coûteuse pourrait payer des primes d’assurance moins élevées.

Avenir Suisse propose aussi la suppressio­n des listes hospitaliè­res cantonales, qui servent souvent à protéger les hôpitaux de l’Etat de la concurrenc­e. Le changement proposé réduit le rôle des cantons. «Des normes de qualité valables dans toute la Suisse doivent remplacer les listes cantonales», selon les auteurs. Elles seraient établies sur une base scientifiq­ue, par une organisati­on indépendan­te (politiquem­ent et financière­ment). Il en résulterai­t que «tous les hôpitaux qui remplissen­t ces conditions peuvent facturer leurs prestation­s à la caisse maladie et au canton de résidence du patient».

Pour surmonter cette thérapie concurrent­ielle, «une autonomisa­tion» des hôpitaux publics ou finalement leur privatisat­ion s’imposerait, avancent les économiste­s. Les hôpitaux publics ont besoin de plus de flexibilit­é entreprene­uriale.

Une politique hospitaliè­re saine. Plus de transparen­ce, plus de souveraine­té du patient, moins de cantonalis­me, Jérôme Cosandey, Noémie Roten, Samuel Rutz, 66 pages, 2018.

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