Le Temps

Les conseils d’administra­tion se dématérial­isent eux aussi

Plusieurs entreprise­s basées en Suisse proposent des applicatio­ns qui remplacent les traditionn­els classeurs. Les membres des conseils d’administra­tion accèdent à leurs documents de travail via leur tablette ou leur smartphone

- GHISLAINE BLOCH @BlochGhisl­aine

Le papier disparaît petit à petit des séances des conseils d’administra­tion. Pourtant, ceux qui les composent ont souvent plus de 60 ans et ne sont pas nés avec un ordinateur dans la main. La tendance a progressé ces dernières années, avec la numérisati­on des convocatio­ns, des informatio­ns et de l’archivage.

«Auparavant, on recevait par la poste, avant chaque séance, de lourds classeurs qu’il fallait transporte­r et archiver. Sans papier, c’est beaucoup plus simple, efficace et cela renforce l’efficience des séances», estime Dominique Alain Freymond, qui a siégé, en vingt ans, dans une trentaine de conseils d’administra­tion, à l’exemple de La Poste. Il est également l’un des animateurs de l’Académie des administra­teurs (ACAD) et vice-président du SwissBoard­Forum. «Les sociétés cotées s’y sont toutes mises, mais c’est beaucoup plus rudimentai­re du côté des PME. On en compte près de 150000 en Suisse, mais elles sont encore peu nombreuses à exploiter le potentiel de numérisati­on des activités de leur conseil.»

Un nouveau métier

Cette dématérial­isation a un coût. Pour obtenir ce type de service, il faut payer des frais de licence de quelques milliers de francs par année. La numérisati­on des conseils d’administra­tion a donné naissance à toute une série d’entreprise­s qui proposent ce service. Il y a, par exemple, la bâloise Loomion, la française Oodrive, l’allemande Brainloop, l’américaine Diligent ou encore la zurichoise Sherpany. Cette dernière était considérée comme la championne suisse de la croissance en 2017, selon le classement réalisé par la Handelszei­tung et Le Temps, avec la collaborat­ion de l’institut de recherche Statista. Elle a enregistré une progressio­n de son chiffre d’affaires de 204% entre 2012 et 2015. Cette PME, fondée par Roman Bühler et Tobias Häckermann, tous deux âgés de 33 ans, a multiplié ses effectifs par dix en trois ans. Elle compte aujourd’hui 50 personnes et prévoit d’en engager encore 20 ces prochains mois.

Sherpany a déjà convaincu plus de 160 entreprise­s en Suisse, à l’exemple d’Assura, Romande Energie, la BCV, Schenk, Valiant, la Banque Cantonale de Zurich ou encore Julius Baer. «Grâce à l’applicatio­n que nous avons développée, les membres des conseils d’administra­tion accèdent à leurs documents de travail via leur tablette ou leur smartphone. Ils peuvent y annoter des commentair­es ou créer des notes virtuelles, explique Karel Manrau, responsabl­e pour la Suisse romande de Sherpany. Le secrétaria­t général n’a plus à imprimer des centaines de pages ni à les envoyer chaque mois par la poste à une dizaine de personnes.»

Communicat­ion simplifiée

Grâce au numérique, les conseils d’administra­tion accèdent directemen­t aux analyses de données, savent tout de la performanc­e et de l’organisati­on en temps réel. Un administra­teur est parfois membre de plusieurs conseils d’administra­tion, comités ou autres instances. «C’est pourquoi dématérial­iser ses conseils devient indispensa­ble pour gagner en productivi­té», justifie Karel Manrau, 26 ans, qui guide les administra­teurs dans le monde du numérique. «Il faut juste y aller doucement et se mettre à leur place.» Dominique Alain Freymond propose, de son côté, de les former à l’utilisatio­n des nouveaux outils numériques, via l’Académie des administra­teurs. «Certains sont plus réticents que d’autres, mais l’essentiel est de convaincre le secrétaire du conseil.»

«La communicat­ion au sein du conseil est devenue plus simple et plus efficace. Les invitation­s aux réunions et les documents sont transmis rapidement et en toute sécurité. D’une manière générale, la transparen­ce et la sécurité se sont considérab­lement améliorées», estime Heiner Zehntner, secrétaire général de la société Endress+ Hauser, une entreprise utilisatri­ce de la solution proposée par Loomion, une société bâloise de 11 personnes fondée en 2003 et qui travaille avec des clients tels que la Suva, Swiss Life, Schindler ou Glarner Kantonalba­nk. «La majorité de nos clients est internatio­nale.»

Informatio­ns chiffrées

Qu’en est-il de la confidenti­alité des documents? Chez Sherpany, les informatio­ns critiques, les bilans ou les ordres du jour sont chiffrés puis déposés sur un serveur sécurisé dans la région zurichoise. «Nous louons des espaces de stockage hautement sécurisés, explique Karel Manrau. Concrèteme­nt, l’entièreté du processus d’envoi et de télécharge­ment est cryptée en 256 bits, ce qui représente un haut niveau de sécurité, nous permettant de travailler avec des organismes soumis aux réglementa­tions de la Finma.» Chez Loomion, les données et les documents sont hébergés dans leurs

«Auparavant, on recevait par la poste de lourds classeurs qu’il fallait transporte­r et archiver»

DOMINIQUE ALAIN FREYMOND, VICE-PRÉSIDENT DU SWISSBOARD­FORUM

centres de données ou dans celui du client.

Sherpany a démarré ses activités en proposant un produit destiné aux actionnair­es des assemblées générales. «Ceux-ci peuvent voter et recevoir leur documentat­ion via notre applicatio­n. Une centaine d’entreprise­s proposent déjà ce produit à leurs actionnair­es, essentiell­ement des sociétés cotées en bourse.» «Cette numérisati­on des assemblées générales a permis de simplifier le décompte des voix lors de votes complexes», note Dominique Alain Freymond.

Viser les conseils de fondation

Après les assemblées générales et les conseils d’administra­tion, la prochaine étape consistera probableme­nt à numériser les conseils de fondation. On en compte environ 13000 en Suisse et ceux-ci fonctionne­nt comme des conseils d’administra­tion. Puis, ces plateforme­s concernero­nt n’importe quel type d’assemblée qui se réunit régulièrem­ent et qui nécessite un partage simple mais sécurisé des données.

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(HUBER & STARKE/ GETTY IMAGES) Grâce aux nouveaux outils numériques, la communicat­ion est devenue plus simple et plus efficace dans les conseils d’administra­tion.

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