Le Temps

Un rappel des bilatérale­s pour combattre les «fake news»

- ANCIEN DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA BNS MEMBRE FONDATEUR DE L’ASSOCIATIO­N «LA SUISSE EN EUROPE» JEAN ZWAHLEN

Compte tenu de ce qu’on lit généraleme­nt à propos des bilatérale­s, il peut être utile de les évoquer sans a priori, dans leur contexte historique, leur développem­ent et leurs apports à notre économie.

C’est dans le discours que prononça Jacques Delors devant le Parlement européen, en 1989, que se trouve la genèse de l’Espace économique européen (EEE). En quintessen­ce, il proposait «aux pays de l’AELE de rechercher une nouvelle forme d’associatio­n, avec des organes communs de décision et de gestion afin d’accroître l’efficacité de notre action». Par le rejet de l’Accord sur l’EEE, le 6 décembre 1992, la Suisse s’est isolée puisque ses partenaire­s de l’AELE y adhérèrent ou rejoignire­nt l’UE.

Telles sont les circonstan­ces qui obligèrent la Suisse à rechercher une issue pour atténuer les conséquenc­es économique­s préjudicia­bles de ce rejet. C’est ainsi que naquit l’idée de la voie bilatérale, qu’il ne fut pas aisé de vendre à une UE réticente. En l’acceptant tout de même, l’UE nous a fait une concession importante qui mérite notre reconnaiss­ance. Il serait bon que l’UDC se souvienne de ces faits et réfrène ses élans de diabolisat­ion vers l’UE.

Il aura fallu grosso modo une dizaine d’années de dures négociatio­ns pour parvenir, en 1999, à faire accepter par l’UE les 7 premiers Accords bilatéraux, qui entrèrent en vigueur en 2002 (libre circulatio­n des personnes, obstacles techniques au commerce, marchés publics, transports terrestres, transport aérien, agricultur­e et recherche). Le mérite de ces Accords et de ceux qui les suivirent est de nous garantir un meilleur accès aux marchés du travail, des marchandis­es et des services, et d’étendre notre coopératio­n politique avec l’UE.

Cette décennie de négociatio­ns, justement qualifiée de «décennie perdue», a été douloureus­e pour notre économie. De 1991 à 1999, notre croissance économique moyenne fut inférieure à 1% alors qu’elle fut supérieure à 2% pour l’ensemble de l’UE. En outre, notre taux de chômage explosa (4,4%). Au regard de ce contexte, l’UDC serait bien inspirée de se souvenir de cette décennie perdue et des âpres négociatio­ns qu’il a fallu mener pour persuader l’UE d’accepter les Accords bilatéraux plutôt que de se complaire à bagatellis­er leur importance. Ne soyons pas masochiste­s, sachant que nous étions demandeurs. Les débats sur les avantages qu’apportent les Accords bilatéraux à notre économie sont spécieux puisque personne n’en conteste la valeur, même pas l’UDC qui se borne aujourd’hui à les relativise­r alors qu’elle les mettait en doute autrefois!

Dès lors, soyons raisonnabl­es et ne mettons pas en danger l’acquis des bilatérale­s sans avoir d’alternativ­es plus attrayante­s ou, pire, de galvauder cet acquis sans contrepart­ie! Ne soyons pas schizophrè­nes, d’autant plus que ces Accords ont d’autres incidences bénéfiques non négligeabl­es sur notre économie. En voici deux:

· Ils garantisse­nt à notre économie un accès sans restrictio­n au marché de notre principal partenaire économique et commercial (54% de nos exportatio­ns et 72% de nos importatio­ns). C’est un atout considérab­le.

· Ils nous offrent une garantie juridique précieuse, alors qu’aujourd’hui ce principe est souvent foulé aux pieds dans les relations internatio­nales.

Puissent ces clarificat­ions mettre à nu les fake news dont on nous abreuve. ■

Il serait bon que l’UDC se souvienne de ces faits et réfrène ses élans de diabolisat­ion vers l’UE

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