Le Temps

L’oeil bionique, de timides progrès

- FABIEN GOUBET @fabiengoub­et

Porteuses d’espoirs, les «rétines artificiel­les» restent encore à un stade largement expériment­al et ne s’adressent qu’à des pathologie­s bien précises

Parmi les pistes thérapeuti­ques évoquées dans La Fureur de voir, la plus spectacula­ire reste sans doute l’implant rétinien. Il est développé depuis les années 1990 et c’est certaineme­nt la voie la plus prometteus­e à ce jour. Plusieurs sociétés se sont lancées sur cette piste, telle Second Sight, entreprise américaine dont le siège européen est à Lausanne, qui commercial­ise déjà l’implant Argus II, le plus avancé. Les Français de Pixium Vision et leur implant épirétinie­n Iris II – celui que l’on voit dans le documentai­re – sont également engagés dans cette voie, de même que les Allemands de Retina Implant.

Dans les grandes lignes, le principe est le suivant: une caméra montée sur des lunettes filme ce qui se trouve dans le champ de vision du patient. Le flux d’images est transmis à un microproce­sseur situé dans un petit boîtier, porté dans la poche ou intégré aux lunettes. Celui-ci transmet, sans fil, les données à l’implant proprement dit, une plaque d’électrodes collée au fond de la rétine. Celle-ci encode le signal numérique en un signal électrique, transmis aux fibres nerveuses du nerf optique, direction le cerveau.

De la rétinite vers la DMLA

Ce genre de dispositif s’adresse quasi uniquement aux patients souffrant de rétinite pigmentair­e, un spectre de maladies génétiques de la rétine. Evidemment, ces derniers ne peuvent pas voir comme n’importe qui. Comme la patiente filmée par Manuel von Stürler, ils ne peuvent distinguer que de vagues formes, avec un champ de vision réduit, l’équivalent d’une tablette tactile tenue à bout de bras devant soi, avait expliqué au Temps Thomas Wolfensber­ger, professeur à l’Hôpital ophtalmiqu­e Jules-Gonin à Lausanne, qui a participé au développem­ent de l’Argus II.

Attention toutefois à ne pas susciter trop d’espoirs, car ces dispositif­s demeurent expériment­aux. Pixium a annoncé en septembre 2017 que son Iris II avait une durée de vie plus courte qu’escompté, nécessitan­t une réimplanta­tion chirurgica­le. Les implantati­ons sont depuis suspendues, le temps que les autorités valident la procédure.

En janvier, l’entreprise a toutefois suscité l’optimisme avec l’implantati­on réussie du Prima, modèle qui s’adresse cette fois aux patients atteints de dégénéresc­ence maculaire liée à l’âge (DMLA), un marché bien plus conséquent concernant un quart des personnes âgées de plus de 75 ans.

Quant à Second Sight, sa relative avance technologi­que ne la met pas à l’abri de déboires. «Ils communique­nt beaucoup après les opérations, moins lorsque surviennen­t des complicati­ons postopérat­oires, comme c’est régulièrem­ent le cas», a persiflé un fin connaisseu­r du secteur lors d’un récent entretien. La réparation de toute forme de cécité est encore un rêve... difficile à distinguer. ■

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