L’oeil bionique, de timides progrès
Porteuses d’espoirs, les «rétines artificielles» restent encore à un stade largement expérimental et ne s’adressent qu’à des pathologies bien précises
Parmi les pistes thérapeutiques évoquées dans La Fureur de voir, la plus spectaculaire reste sans doute l’implant rétinien. Il est développé depuis les années 1990 et c’est certainement la voie la plus prometteuse à ce jour. Plusieurs sociétés se sont lancées sur cette piste, telle Second Sight, entreprise américaine dont le siège européen est à Lausanne, qui commercialise déjà l’implant Argus II, le plus avancé. Les Français de Pixium Vision et leur implant épirétinien Iris II – celui que l’on voit dans le documentaire – sont également engagés dans cette voie, de même que les Allemands de Retina Implant.
Dans les grandes lignes, le principe est le suivant: une caméra montée sur des lunettes filme ce qui se trouve dans le champ de vision du patient. Le flux d’images est transmis à un microprocesseur situé dans un petit boîtier, porté dans la poche ou intégré aux lunettes. Celui-ci transmet, sans fil, les données à l’implant proprement dit, une plaque d’électrodes collée au fond de la rétine. Celle-ci encode le signal numérique en un signal électrique, transmis aux fibres nerveuses du nerf optique, direction le cerveau.
De la rétinite vers la DMLA
Ce genre de dispositif s’adresse quasi uniquement aux patients souffrant de rétinite pigmentaire, un spectre de maladies génétiques de la rétine. Evidemment, ces derniers ne peuvent pas voir comme n’importe qui. Comme la patiente filmée par Manuel von Stürler, ils ne peuvent distinguer que de vagues formes, avec un champ de vision réduit, l’équivalent d’une tablette tactile tenue à bout de bras devant soi, avait expliqué au Temps Thomas Wolfensberger, professeur à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin à Lausanne, qui a participé au développement de l’Argus II.
Attention toutefois à ne pas susciter trop d’espoirs, car ces dispositifs demeurent expérimentaux. Pixium a annoncé en septembre 2017 que son Iris II avait une durée de vie plus courte qu’escompté, nécessitant une réimplantation chirurgicale. Les implantations sont depuis suspendues, le temps que les autorités valident la procédure.
En janvier, l’entreprise a toutefois suscité l’optimisme avec l’implantation réussie du Prima, modèle qui s’adresse cette fois aux patients atteints de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), un marché bien plus conséquent concernant un quart des personnes âgées de plus de 75 ans.
Quant à Second Sight, sa relative avance technologique ne la met pas à l’abri de déboires. «Ils communiquent beaucoup après les opérations, moins lorsque surviennent des complications postopératoires, comme c’est régulièrement le cas», a persiflé un fin connaisseur du secteur lors d’un récent entretien. La réparation de toute forme de cécité est encore un rêve... difficile à distinguer. ■