Le Temps

«Logitech prend davantage de risques»

Le directeur de Logitech Bracken Darrell participai­t mardi à la conférence «Horizon 2018» organisée par «Le Temps» à l’IMD. Le dirigeant américain affirme que sa société, en croissance depuis plusieurs trimestres, ne cesse d’explorer de nouveaux marchés

- PROPOS RECUEILLIS PAR ANOUCH SEYDTAGHIA @Anouch

Une croissance de 22% du chiffre d’affaires lors du dernier trimestre, un cash-flow record à 189 millions de dollars, une action à son plus haut historique… Difficile de déceler l’ombre d’un souci chez Logitech. A la tête de la société depuis exactement cinq ans, l’Américain Bracken Darrell participai­t mardi à la conférence «Horizon 2018», organisée par Le Temps à l’IMD de Lausanne.

Rencontré en marge de l’événement, l’ancien directeur de Whirlpool explique la stratégie de l’entreprise basée sur le site de l’EPFL. Logitech, qui avait subi des restructur­ations en 2009 et en 2012, compte aujourd’hui 3000 employés, dont 250 en Suisse.

Qu’est-ce qui pourrait, aujourd’hui, affecter Logitech? La situation économique pourrait se dégrader, une crise financière similaire à 2008 pourrait nous frapper, nous pourrions avoir des soucis avec l’une de nos catégories de produits. Mais ce ne seraient que des soucis à court terme. A long terme, je suis extrêmemen­t optimiste: nous innovons dans le matériel et le logiciel, notre stratégie multimarqu­es est efficace et nous sommes diversifié­s. Je reste affamé et je veux que toutes mes équipes le soient. C’est mon obsession.

Dans vos scénarios catastroph­e, prévoyez-vous la disparitio­n d’une catégorie de produits? Comme un investisse­ur, nous examinons régulièrem­ent notre portefeuil­le. Une catégorie pourrait disparaîtr­e, mais pas en quelques années: les produits évoluent, les taux de croissance varient. Et regardez autour de vous: les lumières, les meubles ou encore les systèmes anti-incendie, tout sera réinventé d’ici à vingt ans. La puissance de calcul informatiq­ue, le stockage en ligne ou les capteurs, ces éléments deviennent quasiment gratuits et offrent des opportunit­és incroyable­s.

Prenons les haut-parleurs mobiles, qui représente­nt 15% de votre chiffre d’affaires. On a l’impression que vous vous contentez de décliner un modèle à succès, le modèle UE Boom, en d’autres appareils similaires. En comparaiso­n avec nos concurrent­s, notre portefeuil­le est sensibleme­nt plus restreint et nous lançons des appareils beaucoup plus rapidement qu’eux. De plus, nous les dotons de nouvelles fonctions, comme les commandes vocales, permettant de choisir ainsi sa chanson ou de consulter la météo. Sur ce marché, vous vous heurtez aux appareils d’Amazon, Google et bientôt Apple… Ce sont des plateforme­s très intéressan­tes avec lesquelles vous pouvez justement contrôler certains de nos appareils… Et vous ne pourrez pas prendre les appareils d’Amazon ou Apple hors de chez vous, ils ne sont pas résistants à l’eau et nos haut-parleurs offrent une meilleure qualité sonore…

Tout de même, on a l’impression que Logitech est devenu plus timide en se contentant du succès de certaines catégories de produits, sans entrer dans de nouveaux marchés. Je ne suis pas d’accord. Depuis mon arrivée, Logitech s’est lancé dans les conférence­s vidéo, les haut-parleurs Bluetooth, les écouteurs pour courir, des appareils de simulation pour les jeux vidéo… Aujourd’hui, les souris et les claviers ne représente­nt plus qu’un tiers de notre chiffre d’affaires… Nous entrons sur tous les marchés où nous pouvons nous différenci­er. Mais prenez-vous vraiment des risques? L’arme secrète d’une entreprise comme la nôtre, c’est la gestion du risque. Nous prenons davantage de risques, mais à une échelle réduite et le plus souvent de manière cachée. Nous avons imaginé vingt-cinq catégories en six ans, certaines ont été lancées, d’autres arrêtées, certaines ne sont qu’à l’état embryonnai­re… J’adore cette prise de risque permanente. Mais à petite échelle.

Vous avez récemment évoqué une incursion sur le marché de la réalité virtuelle… Nous y travaillon­s depuis deux ans en Suisse, mais aussi en Irlande et en Californie. Nous effectuons des tests, nous cherchons à comprendre comment les gens utiliseron­t la réalité virtuelle, la réalité augmentée et un mix des deux. Nous avons par exemple développé un clavier virtuel pour les joueurs, qui ne peuvent utiliser un clavier physique lors d’immersion dans certains jeux.

«Les souris et les claviers ne représente­nt plus qu’un tiers du chiffre d’affaires de Logitech»

Vous avez rencontré les responsabl­es de plus de mille start-up en cinq ans… Plus de 1500. Cela nous permet d’envisager des rachats, mais c’est surtout pour moi que je fais ces rencontres. J’ai passé ma carrière dans de grandes entreprise­s, où l’innovation est difficile à mettre en oeuvre. On serait fous, chez Logitech, si l’on pensait innover uniquement à l’interne. Et j’ai appris ainsi à mieux gérer ma société et à devenir un meilleur leader.

Vous avez récemment personnell­ement vendu des actions Logitech d’une valeur de plus de 4 millions de francs. Ne croyez-vous plus au potentiel de croissance de la société? Pas du tout, il s’agissait simplement d’obtenir du cash pour l’achat d’une maison dans la Silicon Valley, où les contacts personnels entre dirigeants sont capitaux. Je suis très optimiste pour l’action. Et une grande part de ma fortune est en actions Logitech (ndlr: d’une valeur d’environ 33 millions de dollars).

 ?? (EDDY MOTTAZ) ?? Bracken Darrell: «Nous avons imaginé 25 catégories de produits en six ans, certaines ont été lancées, d’autres arrêtées, certaines ne sont qu’à l’état embryonnai­re… J’adore cette prise de risque permanente. Mais à petite échelle.»
(EDDY MOTTAZ) Bracken Darrell: «Nous avons imaginé 25 catégories de produits en six ans, certaines ont été lancées, d’autres arrêtées, certaines ne sont qu’à l’état embryonnai­re… J’adore cette prise de risque permanente. Mais à petite échelle.»

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