360 millions alémaniques pour les Latins
VOTATION La proposition «No Billag» attaque la SSR par le nerf de la guerre, les recettes. Alors que la bataille fait rage, le point à tête reposée sur le mécanisme et l’institution mis en cause
Montant de la redevance en comparaison internationale, répartition de la manne en fonction des régions linguistiques ou des diffuseurs, coûts de perception… A quelques semaines de la votation fédérale du 4 mars sur l’initiative «No Billag», «Le Temps» propose un panorama des chiffres clés nécessaires à la formation du jugement
Si l’initiative «No Billag» convainc une majorité de citoyens le 4 mars prochain, la SSR verra la redevance disparaître de ses canaux d’approvisionnement financier, ce qui l’amputera de 75% de ses recettes.
Depuis 1990, le montant de cette fameuse redevance a presque doublé, passant de 280 à 451 francs – la conseillère fédérale Doris Leuthard a annoncé une baisse à 365 francs pour 2019. En comparaison européenne et calculée par habitant, la redevance suisse est la deuxième plus élevée, après celle qui est perçue en Allemagne.
Une analyse de l’attribution de la manne selon les régions linguistiques apporte un éclairage intéressant au débat. En vertu du système de péréquation qui guide la répartition de la redevance, les Alémaniques, par exemple, paient 73% de son total, mais la SRF n’en reçoit que 43%. Traduction sonnante et trébuchante: les germanophones offrent 120 millions de francs aux Romands, 220 millions aux Tessinois et 20 millions aux Romanches – total: 360 millions.
Autres chiffres: en Suisse romande, la RTS, avec 34% de parts de marché, écrase la concurrence télévisuelle étrangère, entre autres par le biais de ses productions maison. Lesquelles sont aussi en grande partie financées par la redevance. Les plus chères relèvent du domaine des fictions – le diffuseur consacre ainsi 500000 francs à un épisode de Quartier des banques. A titre de comparaison, une livraison de Passe-moi les jumelles revient à quelque 200000 francs, alors qu’un numéro d’Infrarouge coûte 45000 francs.
Les Romands contribuent à la redevance à hauteur de 23%, tandis que la RTS capte 33% du total
Au fil des décennies, la mécanique de l’audiovisuel public en Suisse s’est sophistiquée au point de présenter, aujourd’hui, un paysage complexe. C’est parfois plus compliqué encore dans d’autres pays, où la redevance est doublée de subsides directs de l’Etat; mais avec ses quatre entités linguistiques, sa péréquation interne et ses nombreux canaux, la SSR se présente sans conteste comme une organisation touffue – ou un mammouth, selon le point de vue.
A travers l’organisme Billag brandi en slogan, l’initiative en votation le 4 mars vise bien la SSR, par le nerf de la guerre, l’argent. La redevance représente 75% des recettes des radios-TV publiques, et presque autant de certaines chaînes locales dites
«No Billag» est avant tout une affaire d’argent, face à une SSR que certains fustigent en l’accusant d’avoir gonflé démesurément
privées. C’est bien le caractère extrême de la mesure proposée. Alors que le débat sur le périmètre du service public, c’est-àdire ce qui en relève ou pas, fait déjà rage depuis des années, «No Billag» représente un pas de plus dans un règlement drastique du problème – ce qui fait son mérite selon ses partisans.
De fait, nul ne peut contester le fait que la SSR a longtemps avancé selon sa volonté propre et ses besoins, mettant le Conseil fédéral les pieds au mur, avec, toujours, l’argument de la mission de service public et de la consolidation de la cohésion nationale. C’est ainsi que des chaînes se sont créées, que les prix ont grimpé, et la redevance avec. Il n’est pas anodin que Doris Leuthard ait voulu lancer la campagne sur «No Billag» en dévoilant le montant, à la baisse, de la future redevance, rendue universelle. Malgré l’accumulation d’arguments en tous genres, la bataille de «No Billag» est avant tout une affaire d’argent, face à une SSR que certains fustigent en l’accusant d’avoir gonflé démesurément, sans que rien ni personne ne freine ses appétits.
Comment fonctionne ce subtil paysage audiovisuel helvétique, où vont les importantes sommes collectées? A tête froide, pour un moment, le point en graphiques et textes.
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