Le Temps

Faut-il mettre un PV à la Tesla d’Elon Musk?

- STÉPHANE BENOIT-GODET RÉDACTEUR EN CHEF

Dans les années 1950 est né le terme de frenemy, soit quelqu’un qui est à la fois votre ami et votre ennemi. Popularisé par le monde de la technologi­e, ce concept a été depuis beaucoup utilisé dans le monde des affaires pour parler d’un concurrent qui vous veut du bien, voire d’un partenaire capable selon les situations de se transforme­r en concurrent.

Ce n’est pas seulement une question de vocabulair­e et de néologisme. Un basculemen­t de valeurs s’est opéré ces dernières années dans toutes sortes de domaines. La présomptio­n d’innocence se trouve en lambeaux depuis l’affaire Weinstein. A cause de la pression sociale démultipli­ée par la force des réseaux sociaux, plus personne ne considère qu’il faut taire la parole des victimes si celle des bourreaux les étouffe. La morale l’emporte sur le droit et le cadre des valeurs: il ne s’agit pas de plébiscite­r cette évolution mais simplement de constater que le cadre des règles dans une société n’est pas seulement contenu dans un code civil. Et que les mentalités évoluent à une vitesse toujours plus rapide.

Il y a longtemps que Facebook a revisité la notion d’amitié. Google sait tout de votre vie privée au point de la vider de sa substance. Apple connaît vos moindres faits et gestes. Au point que vous êtes désormais reconnaiss­able par toutes sortes de facteurs, que ce soit votre empreinte, votre visage et sûrement la manière dont vous tapez vos textes sur un clavier. La notion de consenteme­nt – soit le socle des échanges – vole en éclats dès que vous avez un smartphone et que vous télécharge­z des app.

Le concept de propriété est aussi mis à mal. Plus personne ne sait à qui appartienn­ent les données stockées dans les serveurs d’un GAFA. Sans parler de la loi applicable. S’il fallait perquisiti­onner ces infrastruc­tures, dans le cadre d’une enquête pénale par exemple, où se situe le for juridique? En Californie au siège de la société, en Irlande là où se trouvent les serveurs, ou la nationalit­é du plaignant doit-elle primer? Et qu’adviendra-t-il avec l’avènement de l’intelligen­ce artificiel­le déjà très présente dans nos vies?

La loi, même dans un monde dématérial­isé, a besoin de concret. Les législateu­rs – et même les philosophe­s et les penseurs – doivent réfléchir en amont à ces questions. Sinon il y aura toujours quelqu’un qui pensera à taxer les robots. Ou un policier zélé quelque part qui mettra une amende au roadster

Tesla d’Elon Musk propulsé dans l’espace.

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