Le Temps

Hulot, Darmanin: la république des rumeurs

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

FRANCE Le ministre français de la Transition écologique se retrouve, tout comme son collègue du Budget, accusé de viol. Dans les deux cas, les plaintes avaient été classées sans suite

La silhouette d’un visage bien connu, découpée sur fond orange et flanquée d’un titre choc: «L’affaire Nicolas Hulot». C’est ainsi que, vendredi, le nouveau magazine français Ebdo (non distribué en Suisse) a choisi de mettre à la Une son enquête sur un viol supposé commis, à l’orée de l’été 1997 dans sa villa corse, par l’actuel ministre de la Transition écologique du quinquenna­t Macron. Un «scoop» que l’intéressé avait, la veille, choisi de désamorcer lui-même, en direct, sur le plateau matinal de BFM TV. «Depuis des mois, je subis toutes sortes de rumeurs, d’insinuatio­ns et de suspicions», avait-il lâché. Avant d’afficher ses larmes sur le petit écran et de jurer «qu’il ne pardonnera jamais à ceux qui ont fait pleurer ses enfants».

Nicolas Hulot accusé de viol. L’histoire remonte donc à vingt ans. Et rien, dans le dossier, ne justifiera­it la réouvertur­e de poursuites selon le procureur de la République de Saint-Malo, compétent puisque l’ex-présentate­ur d’Ushuaïa réside principale­ment près du port breton. «Nicolas Hulot a été entendu dès le 29 août 2008 sur ces faits par les gendarmes, explique un communiqué publié hier. Il est d’abord apparu que les deux protagonis­tes avaient une version contradict­oire quant au consenteme­nt à la relation sexuelle précitée. Il a en outre été établi que ces faits s’étaient déroulés entre le 9 et le 11 juin 1997. Ceux-ci étant prescrits, la procédure a été classée sans suite, ce dont la plaignante a été avisée par un courrier du 30 octobre 2008.» Une version confirmée par l’intéressée qui, installée aujourd’hui dans un lointain territoire d’outre-mer, a d’ailleurs expliqué aux journalist­es d’Ebdo ne pas souhaiter un grand déballage politico-judiciaro-sexuel.

Le problème est que la publicatio­n d’une telle enquête en France, dans la foulée des révélation­s sur le magnat hollywoodi­en Harvey Weinstein, n’intervient pas à n’importe quel moment. Depuis deux mois, un autre ministre, Gérald Darmanin, en charge du budget et de l’action publique, vit un scénario similaire. La plainte émane cette fois d’une ex-call-girl, qui affirme avoir été contrainte d’accepter une relation sexuelle avec le politicien alors que ce dernier, âgé de 29 ans, promettait de lui venir en aide pour faire effacer une condamnati­on de son casier judiciaire. Là aussi, la séquence des faits est avérée. Mais les versions divergent et un classement sans suite avait été requis… avant que la plaignante ne relance la machine. Et que le ministre confie lui-même ses mésaventur­es à la mi-janvier à France Info.

Le plus vieux des soupçons

Cet engrenage d’accusation­s est-il juste la conséquenc­e logique d’un lourd silence enfin rompu par le mouvement #metoo? Ou assistet-on à une opération coordonnée pour affaiblir le gouverneme­nt et Emmanuel Macron qui, pour l’heure, a maintenu sa confiance aux deux ministres? Dans les deux cas, les médias se retrouvent dans une position équivoque.

L’enquête d’Ebdo sur Nicolas Hulot reconnaît que la plaignante n’entend pas rouvrir ce dossier. Les journalist­es qui ont enquêté sur Darmanin admettent, eux, que l’itinéraire de son accusatric­e est tout sauf clair. Plus problémati­que: Ebdo fait un lien entre la plainte pour viol et le refus de l’ancien journalist­e de se présenter à la présidenti­elle en 2012, puis en 2017. Comme si, dans cette République ébranlée par le scandale StraussKah­n en 2011, où le candidat Emmanuel Macron prit les devants durant la campagne présidenti­elle pour démentir une relation homosexuel­le avec le PDG (révoqué récemment) de Radio France, ces accusation­s de viol cherchaien­t surtout à raviver le plus vieux des soupçons: celui du sombre couple formé par le pouvoir et le sexe.

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