Le Temps

Espionnage: Uber et Google trouvent un accord à l’amiable

Accusée de vol de secrets industriel­s concernant les voitures autonomes, la société de mise en relation entre chauffeurs et passagers va verser 245 millions de dollars au moteur de recherche

- JÉRÔME MARIN, SAN FRANCISCO @JeromeMari­nSF

Dénouement surprise dans le procès opposant Uber à Waymo, la filiale spécialisé­e dans les véhicules sans conducteur de Google qui accusait la plateforme de mise en relation entre chauffeurs et passagers de vol de technologi­es. Après quatre jours d’audience à San Francisco, les deux entreprise­s ont annoncé, vendredi 9 février, un accord à l’amiable, mettant ainsi fin à un conflit fratricide entre les deux anciens alliés.

Dans le cadre de cet arrangemen­t, Waymo va recevoir 0,34% du capital d’Uber. En se fondant sur la valorisati­on actuelle de la société, cela représente 245 millions de dollars (230 millions de francs), soit nettement moins que les réparation­s de 1,8 milliard de dollars réclamées avant le procès. Mais ce montant pourrait augmenter si la valorisati­on d’Uber progresse, notamment après son introducti­on en bourse prévue l’an prochain. «Cet accord garantit que [nos] informatio­ns confidenti­elles ne seront pas intégrées aux logiciels et au matériel d’Uber», se félicite par ailleurs la filiale de Google.

L’affaire était centrée autour d’Anthony Levandowsk­i, un ancien responsabl­e du projet Google Car. Quelques semaines avant de quitter son poste, il avait dérobé environ 14000 documents confidenti­els, portant notamment sur le lidar, le système de lasers qui permet de cartograph­ier l’environnem­ent et les obstacles en temps réel. Il avait ensuite fondé la start-up Otto, qui avait été officielle­ment rachetée pour 700 millions de dollars par Uber en août 2016.

Selon Waymo, cet enchaîneme­nt d’événements avait été planifié de longue date par Anthony Levandowsk­i et par Travis Kalanick, l’ancien directeur général d’Uber, poussé à la démission l’an passé après une accumulati­on de polémiques. La société aurait alors utilisé les documents volés pour tenter de rattraper son retard dans le développem­ent des voitures autonomes. «Travis Kalanick a pris la décision que gagner était plus important que de respecter la loi», assurait l’avocat de Waymo.

Position d’Uber mise à mal

Uber a toujours rejeté en bloc ces accusation­s, assurant n’avoir jamais eu accès aux secrets industriel­s de son concurrent. Au pire, expliquait-elle, elle aurait été coupable de négligence­s dans l’examen des risques associés à l’acquisitio­n d’Otto. Sa position avait cependant été mise à mal, fin 2017, par des révélation­s sur l’existence d’une cellule consacrée à l’espionnage industriel, chargée de voler des documents confidenti­els à Waymo.

Malgré ce faisceau de présomptio­ns, les avocats de Waymo n’avaient pas réussi à démontrer que ses secrets industriel­s avaient effectivem­ent été obtenus par Uber, au cours d’une première semaine d’audience notamment marquée par l’audition de Travis Kalanick. Cela pourrait expliquer pourquoi la filiale de Google a accepté un arrangemen­t à l’amiable. Pour Uber, cet accord permet de mettre un terme à la mauvaise publicité suscitée par cette affaire, tout en évitant une éventuelle condamnati­on.

Technologi­e cruciale

Il représente également une nouvelle illustrati­on du changement de culture que tente d’imposer Dara Khosrowsha­hi, le nouveau patron de l’entreprise. «En tant que directeur général, je dois reconnaîtr­e et corriger les erreurs du passé», indique-t-il. La plateforme souhaite désormais tourner la page d’une affaire ayant déjà perturbé ses efforts dans le domaine des voitures autonomes.

«Cette technologi­e est cruciale pour le futur des transports», explique Dara Khosrowsha­hi. Surtout, elle menace son coeur de métier. Dans l’Arizona, Waymo teste déjà un réseau de taxi sans conducteur. Et de nombreux constructe­urs automobile­s et groupes internet poursuiven­t le même objectif.

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(GENE J. PUSKAR/AP) Uber aurait utilisé des documents volés à Waymo, filiale de Google, pour tenter de rattraper son retard dans le développem­ent des voitures autonomes.

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