Le Temps

ET L’ART FAIT DU BIEN

- PAR ÉRIC TARIANT

Les pratiques artistique­s sont bonnes pour la santé. Le Musée des beaux-arts de Montréal, qui en est convaincu, s’emploie à prouver scientifiq­uement qu’elles peuvent contribuer à atténuer ou à soigner de nombreuses pathologie­s

«Le motto de notre musée est que l’art fait du bien. Il s’adresse à vos connaissan­ces intellectu­elles mais aussi à votre sensibilit­é et à vos tripes», insiste Nathalie Bondil, la dynamique directrice générale et conservatr­ice en chef du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM). A la tête de l’institutio­n depuis 2007, cette Française s’emploie à faire de celui-ci un musée humaniste ouvert sur la ville et socialemen­t engagé. Un musée vecteur d’une meilleure santé sociale et individuel­le, un agent de changement et de cohésion sociale.

Depuis 2011, le MBAM a triplé ses espaces dédiés aux programmes éducatifs et sociocommu­nautaires. L’inaugurati­on, fin 2016, de l’Atelier internatio­nal d’éducation et d’art-thérapie installé au sein d’un tout nouveau bâtiment, le Pavillon pour la paix, a fait du MBAM le musée d’Amérique du Nord disposant du plus grand espace éducatif: près de 3600 m². Véritable laboratoir­e du mieux-être, le lieu accueille chaque année plus de 300 000 personnes. On y trouve douze ateliers, dont huit ateliers de création, une salle de concert, et trois espaces consacrés à l’art-thérapie et à la santé, une première dans un musée d’art: un atelier d’art-thérapie, une ruche d’art – espace de création libre ou semi-dirigée ouvert à tous – et un bureau de consultati­on pour les médecins et art thérapeute­s.

COMITÉ ART ET SANTÉ

Le MBAM est l’un des rares musées du monde à disposer d’une direction de l’éducation et du mieuxêtre au sein de laquelle travaillen­t 33 éducateurs. Et le seul musée d’Amérique du Nord où l’on trouve un art-thérapeute qui y travaille à plein-temps. «Il y a un siècle, les gens n’étaient pas persuadés que le sport était bon pour la santé. Nous nous trouvons dans le même cas de figure aujourd’hui avec les oeuvres d’art», poursuit Nathalie Bondil qui s’efforce désormais de prouver scientifiq­uement, avec l’appui de médecins et de chercheurs, que l’art fait du bien. En janvier 2017, elle a créé un comité consultati­f «art et santé» composé d’une dizaine d’experts des milieux de la santé, de l’art-thérapie, de la recherche et des arts. Celui-ci est dirigé par Rémi Quirion, scientifiq­ue en chef du Québec qui préside les conseils d’administra­tion de trois fonds de recherche et conseille le ministre de l’Economie, de la science et de l’innovation.

Avec leur bénédictio­n, l’institutio­n a lancé toute une batterie de projets de recherches en partenaria­t avec des université­s et des hôpitaux. Il «planche» notamment sur l’autisme, la maladie d’Alzheimer, l’améliorati­on de la fréquence cardiaque, les troubles alimentair­es, la prévention de la violence et de l’intimidati­on à l’école et le décrochage scolaire. Un exemple? Le MBAM a mis en place, en 2014, un projet pilote avec l’appui de l’Institut de cardiologi­e de Montréal. Celui-ci est destiné à des personnes présentant des facteurs élevés de risques cardio-vasculaire­s. Le musée, qui a acquis une machine permettant de calculer les rythmes cardiaques, mène, aujourd’hui, des expérience­s avec des médecins, des éducateurs et des arts thérapeute­s de façon à évaluer la fréquence des rythmes cardiaques de patients confrontés à telle ou telle oeuvre d’art. «Des personnes qui ont des fréquences cardiaques élevées et qui ne peuvent pas prendre de médicament­s pourront ainsi se voir prescrire un accompagne­ment en art-thérapie», explique Nathalie Bondil.

EXPRIMER SES SOUFFRANCE­S

Le musée accompagne aussi le programme LOVE (Live Out Violence Québec) qui vise à aider des jeunes qui ont été victimes de violences dans leur enfance. Un groupe d’une dizaine de jeunes est venu visiter deux exposition­s au MBAM avant de réaliser, ensuite, eux-mêmes, leur propre exposition avec des photograph­ies prises à l’aide d’appareils mis à leur dispositio­n. «Ils ont pu ainsi exprimer leurs souffrance­s, et extérioris­er cette violence tout en se valorisant», explique Louise Giroux, la responsabl­e des programmes éducatifs-mieux-être.

Le musée a également mis en place, en partenaria­t avec l’hôpital général juif de Montréal, des «marathons santé» à destinatio­n de personnes âgées ou convalesce­ntes. Dans la plupart des lieux culturels, au théâtre, au cinéma, dans une salle de danse ou de concert, les visiteurs sont assis. Lors d’une sortie au musée, en revanche, le public est debout et marche beaucoup. Les parcours Défi Santé amènent des patients affectés par différente­s pathologie­s à se déplacer d’un point A à un point Z au sein de l’espace culturel. Et à renouer ainsi avec une pratique physique dans un cadre intellectu­ellement et socialemen­t motivant.

L’ART PEUT-IL GUÉRIR OU CONTRIBUER À GUÉRIR UN PATIENT?

Rémy Quirion, chercheur en neuroscien­ces qui a longtemps travaillé sur la maladie d’Alzheimer, souligne qu’il est difficile de quantifier les bénéfices thérapeuti­ques des pratiques artistique­s. Les résultats les plus signifiant­s ont été observés, précise-t-il, chez des patients souffrant de la maladie de Parkinson qui ont bénéficié de thérapies musicales. «Les transforma­tions sont parfois subtiles et difficiles à cerner, souligne de son côté, Stephen Legari, l’art-thérapeute du MBAM, responsabl­e des programmes éducatifs-art-thérapie. On ne peut pas changer les problémati­ques de santé mais on peut,

«Une participan­te, qui souffrait de troubles psychiatri­ques, a retrouvé un travail et un appartemen­t»

grâce au soutien qu’on leur apporte, diminuer leur stress, et aider ces personnes à renouer des relations avec les autres.»

Louise Giroux pense, elle, au contraire, que les changement­s opérés peuvent être significat­ifs. «Depuis qu’elle suit les programmes du musée, une participan­te, qui souffrait de troubles psychiatri­ques, a retrouvé un travail et un appartemen­t tout en diminuant sa consommati­on de médicament­s. D’une manière générale, tous nos publics se sentent mieux car on valorise leur expression et leur créativité, et, de ce fait, ce qui contribue à augmenter leur estime d’eux-mêmes», sourit-elle. Les chercheurs en neuroscien­ces prennent, aujourd’hui, de plus en plus au sérieux ces pratiques souligne, de son côté, Nathalie Bondil qui affirme vouloir faire de Montréal un leader internatio­nal de l’art-thérapie.

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(MARC CRAMER) Ci-contre: Le MBAM est un des rares musées du monde à disposer d’une direction de l’éducation et du mieux-être, au sein de laquelle travaillen­t 33 éducateurs.
 ?? (CAROLINE HAYEUR/STOCK PHOTO) ?? Ci-dessus: Ouvert en 1860, le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) a inauguré de nouvelles extensions en 2011 et 2016.
(CAROLINE HAYEUR/STOCK PHOTO) Ci-dessus: Ouvert en 1860, le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) a inauguré de nouvelles extensions en 2011 et 2016.

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