BEN & LÉO, «SUCCESS STORY» FRIBOURGEOISE
Ils se sont illustrés durant l’émission culinaire «MasterChef». Deux ans plus tard, le duo fait des étincelles au Café de la Fonderie. Et ouvre deux nouveaux restos
C’est d’abord un lieu singulier, inédit dans le paysage fribourgeois, imaginé par deux amis d’enfance passionnés de cuisine qui l’ont baptisé de leurs diminutifs: Ben & Léo, Ben pour Benoît Waber, Léo pour Léonard Gamba. Un décor tout en simplicité et en fraîcheur – du bois, du noir, du blanc, des ampoules nues accrochées à leur fil, quelques canapés postés à l’entrée, un immense dégagement vers le haut.
Un lieu original parce que la Fonderie, pour les non-initiés, voire les non-Fribourgeois, est une ancienne usine recyclée en coopérative dans laquelle se côtoient fringues, artisans, architectes, autour du café lui-même.
C’est désormais une success story, témoin que la téléréalité a parfois du bon. Ben & Léo sont une des valeurs montantes de la gastronomie helvétique. Leur adresse de la Fonderie, entrée dans l’édition 2018 du guide GaultMillau, ne désemplit pas et s’apprête à faire des petits…
ÉLÈVES DE DUCASSE ET DE BOCUSE
A main gauche, Léo, le grand blond, à main droite, Ben, brun et barbu: ces deux-là ont grandi côte à côte, dans le même immeuble de Villars-sur-Glâne, amis d’enfance, et le sont restés tout au long de leurs études – économie politique pour Benoît, gestion d’entreprise pour Léonard, liés aussi par leur passion commune pour la cuisine. Qui les pousse à faire des concours, se mesurer à d’autres amateurs dans la région, passer les sélections de MasterChef:
Ben se hisse en demi-finales, Léo étant recalé au terme de la deuxième épreuve. Là-dessus, ils enchaînent en faisant traiteur et chef à domicile; un bar à vins de la place leur donne carte blanche tous les samedis, bref ils finissent par envisager de se lancer pour de bon. Et retournent à l’école – Léo à l’Ecole de cuisine Alain Ducasse, à Paris, Ben à l’Institut Paul Bocuse, à Lyon: «Ça nous a permis de reprendre toutes les bases et de nous donner une légitimité, une assurance», relève Benoît. Là-dessus, MasterChef a été comme un déclic, «un formidable accélérateur».
L’ouverture en 2016 est précédée d’un buzz phénoménal, dû pour partie à la visibilité médiatique des deux complices, accompagnée, surtout, par un bouche-à-oreille consacrant la créativité bien réelle et la patte de Ben, Léo et leur petite équipe.
Le midi, la carte est simple – de quoi fidéliser la clientèle avec un bon rapport prix-plaisir. Le choix, par exemple, entre un tartare au couteau, une féra à la plancha, écrasée de pommes de terre à l’estragon, émulsion d’ail noir et une tatin d’aubergine végétarienne, glace au fromage de chèvre, soit des plats du jour avec salade à moins de 20 francs.
Le soir, rideau, l’espace se métamorphose en resto plutôt bobo, mais néanmoins bon enfant, service juvénile, vif et charmant. On propose alors des menus découverte ou dégustation, volontiers thématiques autour des terroirs, de la bénichon ou de l’été.
Par exemple? Une entrée originale où les mini-chanterelles côtoient un oeuf de caille en trompe-l’oeil: le jaune a été «cuit à froid» dans un vinaigre balsamique blanc, le blanc est constitué de chou-fleur à l’huile d’olive, le tout est ponctué de mini-bouquets de persil texturés au siphon et au micro-onde pour évoquer un lichen vert vif. Suivent un omble chevalier au beurre blanc infusé à la feuille de mandarinier – oui, les chefs travaillent aussi avec Niels Rodin, l’agrumologue star du moment – et un boeuf de Simmental en deux manières: poitrine confite au gingembre et saké et son filet laqué.
Tout ceci est juste délicieux, issu de bons produits, travaillés avec une sacrée pêche, de manière parfois débridée mais où l’on sent une belle écriture en devenir… Une curiosité, l’attention aux tendances et techniques du moment, , végétarisme, fumage ou fermentation, produits bios ou légumineuses…
Les fournisseurs? Proches de l’objectif «kilomètre zéro»: les super-bouchers Bertschy ou Papaux, Sciboz pour les fromages, des poissons pêchés dans les lacs romands ou les piscicultures fribourgeoises, des fruits et légumes de la région… Voire le dernier producteur local d’oeufs de caille, installé près de Montagny…
Les modèles qui les inspirent? Ils sont nombreux, de Frédéric Kondratowicz, à l’Hôtel de Ville, chez qui ils ont fait des extras, à René Redzepi, à Copenhague. Ce qu’ils retiennent aujourd’hui de leur expérience de la téléréalité? Ils y ont gagné une visibilité: «MasterChef nous a ouvert des portes, nous n’avons pas eu besoin de faire d’emprunt bancaire. Cela a été, surtout, un formidable accélérateur.»
FUSION ET VERSATILITÉ
Du coup, le livre de réservations va très vite afficher complet. Et les sollicitations se multiplier. Au point que les deux complices ajoutent bientôt une deuxième adresse à la Fonderie: «Un gastrobar sur Pérolles, à deux pas de la gare, au Cintra, une des enseignes historiques de la ville. Ben & Léo conçoivent la carte et assurent le suivi, en collaboration avec la petite équipe qu’ils ont mise en place. Ici le concept est plus simple, moins formel, plats du jour en cocotte, planchettes de charcuterie et autres plateaux de fruits de mer à partager.
Surtout, ils s’apprêtent à ouvrir une troisième adresse dans un tout autre registre, dans le centre historique de Fribourg: le Kumo. Une carte articulée autour des ramen, ces nouilles japonaises en passe de conquérir le monde et déclinables à l’infini, mais pas que. L’offre est fusion et versatilité, à l’attention d’une clientèle jeune et estudiantine, comportant du poisson cru en ceviche mais aussi des plats plus élaborés, style tataki au yuzu. Mais encore? «Tout sera frais et maison, promet Ben, la philosophie est la même et le chef Khoa Ho un ancien de la Fonderie…»