Le Temps

Les bénéfices récurrents des finances fédérales attisent les convoitise­s

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

Ueli Maurer annonce un solde positif de près de 2,8 milliards pour 2017. Un excédent qui donne des idées

La Confédérat­ion fait des budgets pessimiste­s et, chaque année depuis près de quinze ans, ses sombres prévisions sont démenties par les résultats. Cette année encore, la situation financière de la Confédérat­ion semble à nouveau bien meilleure que prévu. Au lieu du trou budgété de 250 millions de francs, les comptes ordinaires affichent un excédent de 2,8 milliards. Le montant réellement dégagé atteint même 4,8 milliards. Et la situation s’annonce tout aussi radieuse pour les années à venir: des excédents de 1 milliard pour 2019 et 2020 et de 1,9 milliard pour 2021 sont attendus.

En 2016 déjà, la Confédérat­ion avait dégagé un excédent ordinaire de 800 millions au lieu d’un déficit de 500 millions. En 2015, le bénéfice prévu de 400 millions de francs s’était transformé au final en 2,3 milliards de francs. Un groupe d’experts nommé par le Départemen­t fédéral des finances a même calculé que l’écart était, en moyenne, de 1,2 milliard par an entre 2003 et 2016.

Dans un rapport publié en 2017, ces experts ont proposé d’en profiter pour compenser des allégement­s fiscaux: «La seule solution possible serait d’intervenir dans le cadre d’une des prochaines réformes fiscales de grande ampleur impliquant des diminution­s de recettes.» Les experts laissaient ainsi la porte entrouvert­e pour un éventuel cofinancem­ent de l’AVS.

Ueli Maurer annonce un solde positif de 2,8 milliards pour 2017. Ce montant n’inclut pas une provision de 2 milliards au titre de l’impôt anticipé. Ces recettes excédentai­res donnent des idées

Des excédents de 1 milliard pour 2019 et 2020 et de 1,9 milliard pour 2021 sont attendus

Une fois encore, les comptes de la Confédérat­ion présentent un résultat très supérieur à ce qui avait été prévu au budget. L’excédent atteint 4,8 milliards alors que le budget affichait un déficit de 250 millions. Ce budget avait d’ailleurs été adopté dans la douleur. L’UDC et son apôtre de l’orthodoxie financière Thomas Aeschi (ZG) avaient tout entrepris pour réduire drastiquem­ent les dépenses. Or, celles-ci ont été pronostiqu­ées de manière assez fidèle. Elles ont atteint 68,3 milliards, soit 400 millions de moins que ce qui avait été envisagé pour l’exercice 2017.

C’est du côté des recettes qu’apparaît une très grande différence. Elles ont atteint 71,1 milliards alors que le budget ne comptait que sur 68,4 milliards. Il faut cependant ajouter à cette somme les 2 milliards que, par prudence, le Départemen­t des finances (DFF) met de côté au titre de provision. Pourquoi? Parce que le solde positif provient essentiell­ement de l’impôt anticipé. Le produit de celui-ci a atteint 8,2 milliards, soit un bond inattendu de 2,5 milliards par rapport aux espérances du début de l’année 2017. Le mécanisme de l’impôt anticipé est particulie­r: les recettes nettes résultent du différenti­el entre les sommes payées et les remboursem­ents demandés par les privés et les entreprise­s. Cela rend cet impôt très volatil. «Lorsque nous établisson­s le budget de l’année suivante, nous ne savons pas comment les dividendes et les demandes de remboursem­ent vont évoluer», relève le chef des Finances, Ueli Maurer. Or, le DFF soupçonne 2017 d’être une année atypique. En raison des taux d’intérêt négatifs, les sociétés ont peut-être été tentées de reporter à plus tard leurs demandes de remboursem­ent. C’est ainsi à titre préventif que 2 milliards ont été provisionn­és. Le PDC doute de la légalité de cette réserve.

Coûteuses réformes fiscales

Ainsi, au lieu de 4,8 milliards, l’excédent officiel ne dépasse pas 2,8 milliards. Il faut ajouter à cela 177 millions de recettes extraordin­aires provenant des amendes encaissées par la Commission de la concurrenc­e (Comco) et 78 millions récupérés dans le cadre de la liquidatio­n concordata­ire de Swissair. Ces sommes ne sont pas versées au budget général. La situation s’annonce tout aussi bonne ces prochaines années: des excédents de 1 milliard pour 2019 et 2020 et de 1,9 milliard pour 2021 sont attendus.

Que va faire la Confédérat­ion de ses milliards excédentai­res? Prudent comme à l’accoutumée, Ueli Maurer énumère les réformes à venir, qui pourront lui faire perdre des rentrées financière­s importante­s: le Projet fiscal 17 (né sur les cendres de feu la troisième réforme de l’imposition des entreprise­s), l’abolition du droit de timbre promise pour compenser la non-reconnaiss­ance à long terme de la place boursière suisse, l’adaptation de la fiscalité des familles ou encore la suppressio­n de la valeur locative. Or, une piste se dessine pour compenser les milliards que coûteraien­t ces réformes: l’assoupliss­ement de la règle du frein à l’endettemen­t.

En vigueur depuis 2003, cette règle financière exige l’adoption de mesures d’économies lorsque les dépenses dépassent les recettes sur l’ensemble d’un cycle conjonctur­el. Ce levier n’a jamais dû être actionné. Mais la règle ne fonctionne pas dans l’autre sens: les excédents sont exclusivem­ent affectés à la réduction de la dette et à rien d’autre. Depuis qu’elle existe, elle a permis de ramener l’endettemen­t fédéral de 124 à 99 milliards en 2016. Certes, la dette brute est remontée à 105,2 milliards en 2017, mais c’est dû à un nouveau modèle comptable qui prend désormais en compte les agios non amortis durant l’exercice écoulé.

Comme l’administra­tion a tendance à budgétiser davantage de dépenses que ce qui est effectivem­ent déboursé, il subsiste chaque année des soldes de crédits non utilisés. Un groupe d’experts nommé par le DFF a calculé que l’écart était, en moyenne, de 1,2 milliard par an entre 2003 et 2016. Dans un rapport publié en 2017, il a proposé, si ces soldes de crédits se multiplien­t, d’en profiter pour compenser des allégement­s fiscaux. «La seule solution possible serait d’intervenir dans le cadre d’une des prochaines réformes fiscales de grande ampleur impliquant des diminution­s de recettes», écrivait-il dans ce rapport. Il laissait la porte entrouvert­e à un éventuel cofinancem­ent de l’AVS. La gauche et le PDC considèren­t qu’il existe là une marge de manoeuvre. Le DFF est en train d’y travailler. Ueli Maurer pense saisir le Conseil fédéral de propositio­ns vers le milieu de l’année. Elles concernero­nt aussi bien le frein à l’endettemen­t que le droit de timbre et la reconnaiss­ance boursière.

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Ueli Maurer: «Lorsque nous établisson­s le budget de l’année suivante, nous ne savons pas comment les dividendes et les demandes de remboursem­ent vont évoluer.»

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