Le Temps

Le moment est venu de desserrer le frein

- BERNARD WUTHRICH @BdWuthrich

Année après année, et cela depuis plus de dix ans à l’exception de l’exercice 2014, les comptes de la Confédérat­ion affichent un résultat bien meilleur que le budget. Les soldes positifs s’accumulent, mais rien ne permet de tirer parti des prévisions trop pessimiste­s qui ont été faites par l’administra­tion et le Conseil fédéral. Véritable success-story, le frein à l’endettemen­t en vigueur depuis 2003 ne prévoit qu’une seule et unique affectatio­n des excédents budgétaire­s: la réduction de la dette. Et ça fonctionne très bien, puisque celle-ci a été amincie de plus de 20 milliards en quinze ans.

Ce mécanisme a été conçu pour prévenir les crises financière­s. Il exige l’adoption de mesures d’économies si les dépenses dépassent les recettes sur l’ensemble d’un cycle conjonctur­el. Cette situation ne s’est jamais produite. Ce levier n’a pas dû être actionné une seule fois depuis 2003. Mais rien n’est prévu dans l’autre sens. Or, les excédents comptables résultent souvent d’une estimation trop élevée des dépenses. Ainsi, année après année, les soldes de crédits non utilisés s’accumulent. Ils sont consignés dans un compte de compensati­on. Selon un groupe d’experts constitué par le Départemen­t fédéral des finances (DFF), cela représente une somme annuelle moyenne de 1,2 milliard.

Est-il envisageab­le de l’utiliser pour autre chose que la fonte de la dette? Non, répondent avec intransige­ance ceux qui font de la rigueur financière une priorité politique et que l’on recrute principale­ment dans les rangs de l’UDC et du PLR. Pour les autres, il y a une marge de manoeuvre à exploiter. La gauche veut desserrer le frein pour financer tout un tas de domaines louables, comme la formation ou l’AVS. Il est cependant très risqué d’emprunter cette voie, car chaque lobby fera pression pour que le bas de laine profite à son petit monde à lui: agricultur­e, formation, recherche, social, infrastruc­tures, etc. On se lancerait immanquabl­ement dans un bras de fer sans fin au parlement.

L’idée émise par le groupe d’experts du DFF paraît plus intéressan­te et, surtout, susceptibl­e de recueillir le soutien d’une majorité politique. Il s’agirait d’utiliser cette marge de manoeuvre pour compenser les diminution­s de recettes qu’occasionne­ront les grandes réformes fiscales à venir. Si l’on additionne tous les projets en cours, le manque à gagner peut atteindre 4 à 5 milliards de francs pour la Confédérat­ion. L’abolition du droit de timbre et le Projet fiscal 17 sont censés apporter un bol d’air frais aux entreprise­s. La révision du système d’imposition des couples répond à un objectif de société largement reconnu et requis depuis trente ans par le Tribunal fédéral. Ces ambitieux projets devraient aussi séduire une partie de ceux qui, d’une part, s’accrochent à l’orthodoxie budgétaire comme la moule à son bouchot mais qui, d’autre part, veulent une place économique fiscalemen­t plus attractive et plus prospère.

Compenser les diminution­s de recettes occasionné­es par les réformes fiscales à venir

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