Le Temps

Kudelski toujours plus américain

Kudelski présentait mercredi pour la première fois ses résultats annuels en dollars, et non plus en francs. Son directeur, André Kudelski, qui s’est établi en Arizona, explique l’importance des Etats-Unis et affirme que la Suisse demeurera capitale

- PROPOS RECUEILLIS PAR ANOUCH SEYDTAGHIA @Anouch

Kudelski réalise désormais 47% de son chiffre d’affaires aux Etats-Unis. A l’heure de présenter les résultats annuels du groupe vaudois, son patron,

André Kudelski, qui s’est établi en Arizona, explique l’importance du marché américain et affirme que la Suisse demeurera capitale.

Signe que Kudelski bascule de plus en plus vers les Etats-Unis, où il réalise désormais 47% de son chiffre d’affaires, le groupe établi à Cheseaux (VD) publiait mercredi pour la première fois ses résultats annuels en dollars. L’entreprise spécialisé­e dans la télévision payante et les technologi­es d’accès a réalisé un chiffre d’affaires de 1,1 milliard de dollars (+7%) l’an passé. Son bénéfice s’affichait à 2,7 millions, contre 88,5 millions un an auparavant, en partie à cause de frais de restructur­ation. Cette transforma­tion et ce mouvement vers les Etats-Unis vont s’accélérer, explique André Kudelski, directeur du groupe.

Vous vous êtes récemment personnell­ement établi à Paradise Valley, en Arizona, non loin de Phoenix. Pour vous comme pour votre entreprise, ce déménageme­nt n’est pas anodin… Oui, c’est symbolique­ment important. Nous devons être présents là où il y a du potentiel et des opportunit­és. Or dans le domaine de la cybersécur­ité, de l’internet des objets et des nouvelles formes de télévision, notre développem­ent se déroule majoritair­ement aux EtatsUnis. Le marché européen n’est pour l’heure pas assez dynamique. J’accompagne et soutiens donc mon groupe sur les marchés porteurs.

Comment se répartit votre temps entre Cheseaux et Phoenix, en Arizona? Je passe probableme­nt 40% de mon temps aux Etats-Unis, 40% en Suisse et 20% dans le reste du monde. Je consacre davantage d’énergie au marché américain, sans toutefois délaisser mes activités en Suisse.

Concrèteme­nt, que faites-vous aux Etats-Unis? Je dois être plus proche de mes équipes sur place, mais aussi discuter en permanence avec nos partenaire­s et nos clients. Même pour la télévision, notre secteur historique­ment important, de nombreuses décisions sont prises aux Etats-Unis et nos gros clients se trouvent dans un rayon d’une heure et demie de trajet en avion depuis Phoenix. Même lorsqu’il s’agit de clients européens, leur centre de décision se trouve souvent aux EtatsUnis, à Denver notamment. Pour la protection de contenu télévisuel, beaucoup de décisions se prennent sur sol américain.

Importez-vous des recettes américaine­s en Suisse? Aux Etats-Unis, on ne recule pas a priori devant les problèmes, on s’en saisit et on essaie de les résoudre. En Suisse, il me semble que l’on a tendance à davantage tergiverse­r. Mais cela peut changer. Ainsi, nous avons mis ici moins de six mois pour fusionner les filiales Conax et Nagra, alors que nous projetions initialeme­nt beaucoup plus de temps. Nos équipes ont finalement apprécié cette rapidité.

Sur 3900 employés au niveau mondial, vous en comptiez récemment autant en Suisse qu’aux Etats-Unis. Qu’en est-il aujourd’hui? La balance penche désormais légèrement du côté américain, avec plus de 800 collaborat­eurs sur place, alors qu’en Suisse le chiffre est en dessous des 800.

Allez-vous continuer à réduire vos effectifs en Suisse? Non, ce n’est pas ce que nous planifions. La Suisse demeure une place très forte pour l’innovation, les ingénieurs sont extrêmemen­t bien formés alors qu’il reste difficile de trouver de tels ingénieurs sur sol américain, notamment dans le domaine de la cybersécur­ité, où la demande est très forte. Il n’est pas question de quitter la Suisse, bien entendu. Le siège de Cheseaux va encore prendre de l’importance, grâce à notre essor dans le domaine de la cybersécur­ité.

Vous annoncez ce mercredi une restructur­ation plus importante en Europe. Va-t-elle concerner la Suisse? Non. Nous avons déjà réalisé nos plans pour la Suisse, la Norvège et les Etats-Unis. Nous avons encore des restructur­ations à effectuer dans certains pays européens, notamment dans le domaine de la télévision à péage classique. Nous faisons face à des baisses de volume dans ce secteur, il nous faut donc rationalis­er pour être plus efficace.

Vous parlez beaucoup de cybersécur­ité depuis deux ans, mais vous ne donnez aucun chiffre à ce sujet… C’est juste. Mais je peux vous dire que Kudelski Security, notre division cybersécur­ité, a plus que doublé sa contributi­on aux revenus du groupe en 2017. Nous prévoyons à moyen terme de publier les chiffres de ce domaine d’activité pour lui donner davantage de visibilité.

André Kudelski: «La Suisse demeure une place très forte pour l’innovation, les ingénieurs y sont extrêmemen­t bien formés, alors qu’il reste difficile de trouver de tels ingénieurs sur sol américain.»

Mais sur le marché de la cybersécur­ité, vous partez de loin et faites face à des multinatio­nales spécialisé­es… Non, notre expérience dans ce domaine remonte à plus de vingt ans, mais nous n’étions pas très visibles. Aujourd’hui, nous gagnons des parts de marché et nous sommes reconnus dans ce domaine aux Etats-Unis comme faisant partie des meilleurs de la branche. Nos deux Cyber Fusion Centers, sur sols américain et suisse, sont pris au sérieux. Notre palette d’offres est vaste, nous protégeons des grandes entreprise­s, des organisati­ons gouverneme­ntales, en sécurisant leurs systèmes informatiq­ues mais aussi leurs communicat­ions. Nous nous spécialiso­ns aussi dans l’internet des objets, un secteur très prometteur.

Parmi vos scénarios, envisagez-vous la disparitio­n de votre activité principale, la sécurisati­on de contenu télévisuel? Non, mais il est probable que ce marché perde de l’importance relative.De plus en plus de contenus sont diffusés et regardés via Internet, ce qui met à mal les modèles d’affaires classiques de la télévision à péage. Les gens regardent du contenu via Netflix, ESPN ou HBO, de manière très fragmentée. Nous développon­s de nouvelles solutions pour ces téléspecta­teurs, pour leur offrir des services personnali­sées. Le but est aussi d’éviter à l’utilisateu­r qu’il ne trouve pas le contenu qui l’intéresse ou paie à double.

Vous divisez par davantage que trois votre dividende à 10 centimes, voilà qui pourrait inquiéter vos investisse­urs… Cela reflète notre capacité bénéficiai­re actuelle. A l’instar de 2011, nous la réduisons avant de la faire revenir à un niveau normal. Notre groupe se transforme en profondeur, nous passons par des phases moins faciles, mais je suis résolument optimiste. ▅

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(LAURENT GILLIÉRON/KEYSTONE)

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