Le Temps

Vers la fin de la surenchère en Premier League

- ERIC ALBERT, LONDRES @IciLondres

Les droits TV du championna­t anglais sont en baisse. C’est une première depuis vingt-cinq ans, dans un pays qui s’est toujours distingué par les sommes dépensées par les diffuseurs

Après vingt-cinq années d’inflation presque ininterrom­pue, la folle envolée des droits de retransmis­sion du football anglais semble s’être arrêtée. Mardi 13 février, la Premier League a annoncé le résultat de la mise aux enchères de ses droits pour le Royaume-Uni pour les trois saisons de 2019-2020 à 2021-2022: le total atteint 4,5 milliards de livres (6,8 milliards de francs), nettement moins que les 5,1 milliards de livres de la précédente mise aux enchères il y a trois ans.

«L’ère où les télévision­s payaient toujours plus est finie», estime James Barford, de la société de consultant­s Enders Analysis. La concurrenc­e d’Internet, qui révolution­ne la façon de regarder la télévision et fragmente l’accès aux écrans, atteint désormais le sport.

Certes, l’actuel processus n’est pas tout à fait terminé: les droits de la Premier League sont divisés en sept «paquets» de retransmis­sion, et seuls les cinq premiers – les plus intéressan­ts – ont été vendus. La plupart des analystes estiment cependant que les deux derniers paquets ne suffiront pas à combler le trou, et que les enchères lèveront moins d’argent qu’il y a trois ans. «Ce qui est certain, c’est que les augmentati­ons spectacula­ires sont terminées», continue James Barford.

Coup de frein nécessaire

Sky, la télévision par satellite du magnat Rupert Murdoch, remporte quatre des cinq paquets, soit 128 rencontres par saison. Pour ce groupe, le coût par match baisse de 16%, à 12 millions de francs. BT, l’acteur historique des télécoms au Royaume-Uni, qui a lancé des chaînes de sport en 2013, a acheté le cinquième paquet, soit 32 rencontres par saison. Le groupe paie un prix par match similaire, à 11,9 millions de francs.

En partie, ce coup de frein était nécessaire après l’incroyable envolée de ces dernières décennies. En 1992, Sky avait ouvert la voie, offrant l’équivalent de 90 millions de francs actuels par saison, une somme qui paraissait prodigieus­e à l’époque. Depuis, le prix a été multiplié par presque vingt-cinq.

Le football ne rapporte plus

Pour mettre les choses en perspectiv­e, les droits d’une saison de retransmis­sion coûtent aujourd’hui la même chose que l’intégralit­é des investisse­ments de la BBC dans tous ses programmes. Pour le même prix, Netflix pourrait se payer dix-sept saisons de la série à succès The Crown, qui retrace les premières années de la reine Elisabeth II. Plus vertigineu­x encore, ces sommes astronomiq­ues ne couvrent que les droits: il faut ensuite investir lourdement dans l’installati­on des caméras, dans les studios, les émissions… Si bien que l’inévitable est arrivé: Sky et BT perdent aujourd’hui de l’argent sur le football. La retransmis­sion des matches attire des spectateur­s passionnés, prêts à dépenser en moyenne une cinquantai­ne de francs par mois pour regarder leur sport préféré, mais cela ne suffit plus.

L’autre phénomène de fond est la concurrenc­e d’Internet. Avec l’émergence des vidéos en ligne, en particulie­r de Netflix, un bouquet satellite comme Sky a vu sa clientèle s’effriter. Il tente de compenser avec sa propre offre à la demande, intitulée Now TV, mais son prix d’accès est plus élevé.

Dans ce contexte, la fin de l’augmentati­on des droits du football anglais peut augurer d’un changement profond dans le business du sport, la Premier League ayant été l’une des pionnières de cette course effrénée. «Les propriétai­res de ligues de sport devraient être inquiets de ce résultat, même si les sommes demeurent très élevées», conclut James Barford. A terme, les footballeu­rs, dont les salaires ont suivi cette inflation démesurée, pourraient finir par être touchés.

 ?? (MICHAELA REHLE/REUTERS) ?? Sky, la télévision par satellite, diffusera 128 rencontres par saison, pour un prix en baisse de 16%, à 12 millions de francs par match.
(MICHAELA REHLE/REUTERS) Sky, la télévision par satellite, diffusera 128 rencontres par saison, pour un prix en baisse de 16%, à 12 millions de francs par match.

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