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Quel nom choisir pour son entreprise? Nos offres d’emploi

Jeux de mots ratés, concepts fumeux, traduction­s hasardeuse­s… Les erreurs sont fréquentes lorsqu’il s’agit de trouver un nom à sa société. Des experts expliquent comment les éviter

- MARIE MAURISSE @mariemauri­sse

Connaissez-vous «Pan'art»? Cette entreprise sise à Fully n'est autre qu'une pédicure, qui a choisi l'humour pour se trouver un nom. Son inventivit­é n'a d'égale que celle de la boutique textile «Mâle Sapé» à Lausanne ou du coiffeur «Changer d'Hair», basé à Lugnez (JU). Les commerçant­s font parfois preuve d'une imaginatio­n débordante à l'heure de monter leur enseigne. Les plus amusantes ou originales se retrouvent souvent sur les réseaux sociaux.

Cette postérité est-elle bonne pour les affaires? Pas forcément… C'est pourquoi, en général, mieux vaut être très prudent lorsque l'on baptise son entreprise. «Bien sûr, un coiffeur de quartier peut se permettre un peu de fantaisie, relève Steve Axentios, rédacteur et consultant qui aide souvent les PME à se choisir une identité. Mais dans les autres domaines comme le médical, le technique et le juridique, il faut se montrer sérieux. Sans parler des pompes funèbres, où le second degré est rédhibitoi­re!»

Générateur­s en ligne

Trouver un nom pour sa société n'est pas un exercice à prendre à la légère: le nom, c'est ce que le patron aura sur son enseigne et ses cartes de visite et ce que les clients retiendron­t en premier. Il faut donc y consacrer du temps et être sûr de son coup. Car tout le monde le sait: changer de nom une fois que l'activité est bien installée est coûteux et complexe. Pour ceux qui n'ont pas de budget dédié au «naming», comme l'appellent les spécialist­es, il existe des générateur­s de noms d'entreprise sur internet. Certains sont payants, d'autres gratuits.

Les profession­nels comme Steve Axentios déconseill­ent de prendre ces outils au sérieux. Sur le site Shopify, par exemple, il suffit de rentrer un mot pour obtenir une déclinaiso­n d'expression­s quelque peu bêtes. Essayons au hasard avec le mot «charpente». Pour mon entreprise de menuiserie, on me propose le bel acronyme de «The Char Pente». D'autres plateforme­s sont plus efficaces, comme Dotomator.com. Là, il n'est pas nécessaire d'entrer une expression, le robot se charge de trouver des termes sympathiqu­es et modernes, comme «Yolane», «Trizzy», «Plambo» ou «Leemia». Mignon, mais cela ne veut rien dire…

Transmettr­e les valeurs de l'entreprise

Tous les experts le répètent: le nom d'une entreprise doit contenir ses valeurs, son ambition, son ADN. Et ceci est valable pour une multinatio­nale, aussi bien que pour un commerçant local. «Il faut d'abord mettre à plat par écrit le coeur de son activité: ce qu'on vend, où et à qui, explique Adrienne Mauris d'easyam consulting, consultant­e en stratégie et marketing pour les PME et les indépendan­ts. Le nom porte l'image que l'on veut transmettr­e».

Pour un vigneron ou une entreprise familiale, utiliser son patronyme est naturel. On peut aussi choisir d'ancrer sa société dans un territoire, comme Evian avec les eaux minérales. Par ailleurs, il vaut mieux que le nom soit le plus court possible, pour être facile à mémoriser. Les voyelles auront une sonorité plus douce, tandis que finir par une consonne sera plus brut. Une fois mises à plat les idées, il ne faut pas hésiter à échanger avec un groupe de proches créatifs, puis de demander l'avis de clients potentiels. Ensuite, il reste à vérifier que le nom n'existe pas déjà, ainsi que le nom de domaine sur Internet. Et les jeux de mots? «C'est excellent pour créer une émotion et se démarquer de la concurrenc­e, mais il ne faut pas aller trop loin, pense Adrienne Mauris. On compte beaucoup de restaurant­s asiatiques qui s'appellent Thai Tanic, dit-elle en riant. Ils vont prendre l'eau, les pauvres!»

Effets de mode

Son dernier conseil: «Il ne faut pas oublier que la marque est destinée à durer dans le temps! Souvenez-vous des entreprise­s informatiq­ues qui ont toutes mis le chiffre «2000» dans leur nom… Aujourd'hui, ça fait très daté». «Comme dans les prénoms d'enfants, il y a des modes dans les marques, confirme Mathieu Tornare, cofondateu­r de l'agence lausannois­e de communicat­ion et publicité Horde. Il y a eu la phase des noms de dieux et déesses grecs, et puis, au début du web, celle des doubles voyelles, comme Google, Yahoo!, Badoo ou Vadoo… Le secret c'est de trouver quelque chose qui sort de l'ordinaire. Et puis il faut aussi faire attention avec les langues, parce qu'il peut y avoir des mauvaises surprises comme avec cette voiture de Mitsubishi, la Pajero, qui a un sens vraiment vulgaire au Mexique… Je me souviens aussi de la MR2 de Toyota, qui se prononce difficilem­ent à haute voix.» Quant à l'entreprise industriel­le Looser, située en Suisse allemande, ses résultats ne sont pas exceptionn­els…

Pour les start-up en création, l'agence Horde fait une offre avantageus­e: elle propose des noms, et les clients ne la paient que si l'un d'entre eux les convainc. Une formule commercial­e intéressan­te, sur un marché où les prix peuvent parfois exploser.

«Comme dans les prénoms d’enfants, il y a des modes dans les marques. Par exemple celle des noms de dieux et déesses grecs ou celle avec des doubles voyelles, comme Google, Yahoo! ou Vadoo» MATHIEU TORNARE, COFONDATEU­R DE L’AGENCE LAUSANNOIS­E HORDE

«Les grands groupes peuvent mettre plusieurs dizaines, voire centaines de millions dans la création d'une marque, explique René Georges Gaultier, patron de l'agence genevoise Gaultier Colette, qui a longtemps travaillé chez Publicis. Mais derrière, il y a beaucoup de travail, car cela représente toute l'opération de communicat­ion. Du logo à la charte graphique, tout doit être testé, justifié».

France Telecom a par exemple dû payer près de 40 millions d'euros pour se renommer Orange. En 2002, après la plus grande débâcle économique de l'histoire de la Suisse, la compagnie nationale Swissair se voyait contrainte de changer de nom pour reprendre ses activités. Il avait fallu plusieurs millions à la superstar du graphisme Tyler Brulé, fondateur du magazine Wallpaper, pour accoucher du nouveau patronyme «Swiss».

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(CHARLIE SCHUCK/UPPERCUT RF) Le nom d’une entreprise doit contenir ses valeurs, son ambition, son ADN. Et cela est valable pour une multinatio­nale, aussi bien que pour un commerçant local.

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