Le ski alpin peine à drainer les foules
Sites excentrés, tribunes clairsemées: les épreuves alpines ne sont pas au coeur de l’attention en Corée du Sud. Le Norvégien Aksel Lund Svindal, qui a remporté la descente jeudi devant Kjetil Jansrud et Beat Feuz, le prend avec philosophie
La descente hommes a finalement pu se dérouler jeudi matin en Corée du Sud. Pourtant donné favori, Beat Feuz a dû se contenter du bronze, derrière le duo norvégien Aksel Lund Svindal (or) et Kjetil Jansrud (argent). Mais, au-delà de la course elle-même, ce qui a surtout frappé notre envoyé spécial, c’est le manque d’ambiance qui régnait à Jeongseon. La tribune installée au bas de la piste est restée très clairsemée malgré une température agréable. La preuve que le ski alpin n’est pas très populaire chez les Coréens.
Quatre jours après la date initialement prévue, la descente hommes a finalement pu se dérouler jeudi en fin de matinée en Corée du Sud. Au rang des favoris majeurs de l’épreuve, Beat Feuz a dû se contenter du bronze, derrière le duo norvégien Aksel Lund Svindal (or) et Kjetil Jansrud (argent), mais il voyait plutôt le bon côté de la médaille: «S’incliner face à de tels champions, qui sont au top depuis si longtemps, il y a pire», relevait-il, beau joueur. Pendant ce temps, les deux héros du jour, fins complices, savouraient leur moment. «En voyant Kjetil descendre, sa vitesse, je me suis fait à l’idée de me satisfaire d’une deuxième place, souriait Aksel Lund Svindal. Et c’était aussi un bon sentiment. Avec l’argent, j’aurais été très content, alors avec l’or… C’est un jour spécial, c’est sûr.»
Il aurait même été parfait s’il y avait eu une atmosphère un peu plus festive à Jeongseon. Mais pour une course programmée un jeudi plutôt qu’un dimanche, et intercalée entre les deux manches du géant féminin (dans une autre station), la tribune installée en bas de la piste est restée très clairsemée malgré le soleil et la température agréable. Il y avait bien quelques groupes de supporters suisses, des Américains bruyants au passage de leurs représentants et des fans d’origines diverses agitant des drapeaux, mais les locaux n’étaient pas nombreux au rendez-vous de l’épreuve reine de l’une des disciplines majeures des Jeux olympiques d’hiver.
Cela n’a pas échappé aux athlètes une fois la ligne d’arrivée franchie. «Franchement, c’est vrai que c’est un peu étrange de skier devant si peu de monde, reconnaissait Aksel Lund Svindal, interpellé sur le sujet en conférence de presse. Et c’est un peu triste. Une descente avec un tel enjeu, en Suisse ou en Autriche, pourrait attirer 50000 personnes.»
Spectateurs polis
Pourtant, les Coréens ne boudent pas les compétitions. Depuis le début de la semaine, rares sont les sites de compétition qui affichent complet, mais les affluences sont souvent honorables même lorsque, ces derniers jours, le temps avait de quoi décourager jusqu’aux plus assidus des supporters. Deux ans après les Jeux de Rio où un public biberonné au football avait fait polémique avec ses sifflets, les athlètes s’affrontent devant des spectateurs polis, encourageant leurs compatriotes avant tout mais qui, tant qu’à faire, applaudissent tous les autres aussi.
Ainsi en va-t-il du ski de fond, du biathlon, du curling. Lors des compétitions de snowboard freestyle, les gradins étaient pleins et l’ambiance excellente. Tradition nationale oblige, c’est autour des anneaux de patinage de vitesse, le long et surtout le court, que c’est le plus animé. Pour le ski alpin, les débuts sont plus compliqués. «Les Jeux olympiques sont un tout qui dépasse notre discipline, lançait, philosophe, le premier champion olympique de descente norvégien. Si le ski alpin n’est pas populaire ici, ma foi, tant pis pour nous, il faut l’accepter. Le jour où il y aura des JO en Norvège, je doute que l’arène de short-track affichera complet comme c’est le cas ici…»
Célébrations chamboulées
Pour ne rien arranger, la station de ski de Jeongseon est l’un des sites de compétition les plus excentrés des Jeux. Il faut compter une bonne heure de route, depuis la grande ville côtière de Gangneung, pour rejoindre cette langue de neige qui serpente dans une montagne recouverte de forêt. Plusieurs nations, dont la Suisse, ont décidé de loger leurs spécialistes des épreuves de vitesse dans l’hôtel situé sur place. Solution pratique: ils sont ainsi tout près des pistes. Mais aussi très loin de l’ambiance particulière des Jeux où des athlètes de toutes disciplines se rencontrent. Les techniciens, même s’ils dorment à l’hôtel dans la station de Yongpyong, ne sont eux qu’à quelques minutes de la ferveur du village olympique.
C’est dans un drôle de contexte, un peu à l’écart, que les descendeurs ont dû prendre leur mal en patience tandis que les conditions météo chamboulaient leur programme. Avant une descente, les skieurs multiplient les entraînements afin d’apprivoiser la piste. Là, après trois sessions en trois jours pour se mettre en jambes, ils sont restés quatre jours sans dévaler la piste à cause des vents
«Les Jeux olympiques sont un tout qui dépasse notre discipline» AKSEL LUND SVINDAL «On pense à des choses auxquelles on ne pense pas d’habitude» BEAT FEUZ
violents qui balayaient la région. Certains ont pris part à la descente du combiné mardi, histoire de rester dans le rythme. D’autres ont juste tué le temps. «C’est la première fois que cela m’arrive, relevait Beat Feuz après la course. C’est spécial. On pense à des choses auxquelles on ne pense pas d’habitude. Mais c’est le même problème pour tout le monde…»
Tous, par contre, ne sont pas égaux devant le calendrier bouleversé. Si le Bernois avait terminé troisième de la descente dimanche dernier, il aurait tranquillement pu recevoir sa médaille le soir, la célébrer à la Maison suisse et il aurait eu deux jours de récupération devant lui avant le super-G. Là, il abordera sa seconde épreuve vendredi matin (dans la nuit de jeudi à vendredi en Suisse), sans avoir eu le temps de souffler. Quant à la petite fête prévue en son honneur, elle attendra qu’il en ait fini avec la compétition.
La situation est encore plus problématique pour une Mikaela Shiffrin qui, à 22 ans, rêvait (plus ou moins secrètement) de gagner dans toutes les disciplines à Pyeongchang. Le calendrier remanié, lui imposant trois courses entre jeudi et samedi, aura peut-être raison de cet objectif. Après sa victoire spectaculaire en géant jeudi, elle prendra part au slalom vendredi mais fera vraisemblablement l’impasse sur le super-G. «Je n’ai pas encore pris de décision, mais j’ai besoin d’un jour de repos avant d’entamer les entraînements pour la descente, la descente elle-même [mercredi] et le combiné [vendredi].»
Si de nouveaux reports ne viennent pas à nouveau semer la zizanie, skieuses (en vitesse) et skieurs (en technique) retrouveront un programme «normal» en deuxième semaine des Jeux olympiques.
▅