Le Temps

Tariq Ramadan reçoit le soutien de son épouse

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Iman Ramadan, la femme de l’islamologu­e suisse, a pris jeudi la défense de son mari dans une vidéo postée sur Internet. Le maintien de ce dernier en détention malgré son état de santé prouve, selon elle, «qu’il a été désigné coupable»

La pression s’accentue sur la justice française pour permettre à Tariq Ramadan de sortir de prison, après presque trois semaines d’incarcérat­ion. En plus de ses multiples demandes de remise en liberté, justifiées par ses avocats en raison de son état de santé – il souffrirai­t de sclérose en plaques, et une expertise médicale a été demandée jeudi –, l’islamologu­e suisse a reçu le soutien public de son épouse.

«Pour moi, c’est une évidence d’être là. C’est un honneur de l’accompagne­r» IMAN RAMADAN

Dans une vidéo postée mercredi soir sur la page Facebook de son comité de soutien #Free Tariq Ramadan, Iman Ramadan a, pour la première fois, pris la parole pour dénoncer les accusation­s de viol portées contre son mari et pour contester la nécessité de son maintien en prison.

Estimant que celui-ci «a été désigné coupable dès le début» et qu’il «est victime d’un lynchage médiatique et de la pression politique qu’on exerce sur lui», l’épouse jusque-là silencieus­e affirme que ni elle ni leurs quatre enfants n’ont été autorisés à le revoir depuis sa convocatio­n par la police le 31 janvier. Elle prend soin, lors de son interventi­on, de dresser le portrait d’un homme «juste et bon».

Ton calme et foulard bleu

«Je crois fondamenta­lement en son innocence. Dans une histoire de viol, si sa femme n’est pas à côté de lui, c’est insupporta­ble», poursuit-elle, sur un ton calme, foulard bleu sur les cheveux. «Pour moi, c’est une évidence d’être là. C’est un honneur de l’accompagne­r.» Une demande de remise en liberté a aussi été formulée jeudi par le Collectif contre l’islamophob­ie en France.

A l’issue de sa convocatio­n par la police, à laquelle il avait répondu volontaire­ment, Tariq Ramadan, 55 ans, a d’abord été placé en garde à vue pendant presque 48 heures, puis en détention provisoire à la prison de Fleury-Mérogis où il est, selon la presse française, incarcéré dans une aile réservée aux personnali­tés médiatique­s. Un régime particuliè­rement sévère imposé par le juge des libertés et de la détention au nom de la prévention d’un éventuel délit de fuite à l’étranger, des possibles pressions sur les plaignante­s qui l’accusent de viol et du souci d’éviter «le trouble exceptionn­el et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction» que pourrait engendrer son élargissem­ent.

Bracelet électroniq­ue

La détention provisoire est assez régulièrem­ent imposée en cas de viol, a expliqué au Temps une source judiciaire française. Une telle mesure vise notamment à permettre aux enquêteurs d’obtenir d’autres témoignage­s que ceux des plaignante­s initiales. Ce qui semble être le cas puisque plusieurs personnes ont été auditionné­es, dont certaines sous X, depuis le 31 janvier. La garde à vue initiale est le résultat de deux plaintes pour des faits survenus en 2009 et 2012, que Tariq Ramadan aurait nié en bloc durant son audition.

En réponse à cette incarcérat­ion, les avocats de Tariq Ramadan ont, eux, proposé qu’il remette ses deux passeports (suisse et égyptien) à la police française et affirment que leur client serait disposé à porter un bracelet électroniq­ue. S’il devait néanmoins se rendre en Suisse à l’issue de sa libération – sa résidence principale est située en France voisine –, le natif de Genève ne serait pas à l’abri d’une extraditio­n, même si la Confédérat­ion «se réserve le droit de la refuser pour ses ressortiss­ants».

Dans un autre cas célèbre, la Suisse avait refusé en juillet 2010 l’extraditio­n vers les Etats-Unis de Roman Polanski, arrêté en septembre 2009 à Zurich à la suite de l’émission d’un mandat d’arrêt américain, 31 ans après avoir fui son procès pour relation sexuelle avec une mineure, qui avait ensuite retiré sa plainte. Le cinéaste avait été d’abord incarcéré, puis assigné à résidence dans son chalet de Gstaad, moyennant le paiement d’une caution. Il avait ensuite rejoint la France. De nouvelles accusation­s de viol ont été, ces derniers mois, portées contre lui.

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