Un islamophobe pour gérer le phénomène migratoire
Les Etats-Unis détiennent depuis des décennies le poste de directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations. Mais les propos controversés du candidat désigné par l’administration Trump rendent l’attribution du poste incertaine
Le choix de Trump a interloqué nombre de personnes au sein de l’Organisation mondiale pour les migrations (OIM). En prévision de l’élection du futur directeur général, le président américain a proposé la candidature de Ken Isaacs, une figure évangélique de l’humanitaire qui considère les «droits comme provenant de Dieu et non pas des gouvernements». Assimilant l’islam à la violence, le candidat a fait entendre, par le biais des réseaux sociaux, sa position sur les réfugiés syriens: «Les chrétiens […] doivent avoir la priorité absolue.» Climatosceptique, il qualifie aussi de «blague» les potentiels risques liés au changement climatique sur la sécurité nationale.
Profonds regrets
Début février, le Washington Post s’est emparé de ces propos et a demandé des explications. En réponse, Ken Isaacs a écrit qu’il les «regrette profondément» et a assuré son «engagement solennel» à respecter «la dignité humaine». Le journal rapporte que l’humanitaire a par la suite retiré son compte Twitter de l’espace public.
Ken Isaacs a une longue carrière dans les projets et les opérations humanitaires à travers le monde. Sous l’administration Bush, cet homme de terrain a également été l’un des responsables de l’agence gouvernementale de développement USAID. En revanche, il n’a pratiquement pas d’expérience diplomatique. D’après Vincent Chetail, professeur de droit international au Graduate Institute (IHEID) à Genève, «si Trump voulait perdre cette élection, il ne pouvait pas faire mieux».
Le président américain peut encore modifier son choix. Il est aussi possible que d’autres concurrents surgissent étant
«Si Trump voulait perdre cette élection, il ne pouvait pas faire mieux» VINCENT CHETAIL, PROFESSEUR DE DROIT INTERNATIONAL AU GRADUATE INSTITUTE À GENÈVE
donné qu’ils ont jusqu’en avril pour se présenter. Jusqu’ici, un seul autre candidat a été officiellement sélectionné: Antonio Vitorino. Désigné par Lisbonne, ce deuxième homme a acquis des expériences variées en matière de migrations et d’affaires diplomatiques. Par le passé, il a aussi épaulé Antonio Guterres, l’actuel secrétaire général de l’ONU, au gouvernement portugais.
Depuis la fin des années 1960, tous les directeurs généraux ont été de nationalité américaine. Premier contributeur de l’OIM, Washington a participé en 2017 à près du quart du budget administratif de l’organisation, à hauteur de plus de 12 millions de francs. Ces versements lui garantissent-ils pour autant le siège de directeur général?
Menaces récentes
«Jusqu’à un certain point l’argent influence [les votes], mais cela ne fait pas tout», répond Vincent Chetail. Et de rappeler que les élections restent «un processus démocratique, puisque chaque Etat membre de l’OIM dispose d’une voix». L’élection du directeur général de l’OIM nécessite les deux tiers des votes.
L’organisation n’est pas à l’abri des récentes menaces de Trump concernant une suppression partielle voire totale du budget accordé aux organisations internationales. Dépendante des fonds américains, l’agence onusienne pourrait être contrainte de revoir son fonctionnement interne et les Etats obligés de combler les fonds manquants. Les Etats membres éliront leur futur directeur général le 29 juin prochain: prendront-ils le risque de froisser la Maison-Blanche?
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