Le Temps

Depuis le Campus Biotech, Addex lève 30 millions de francs

- A. B. C.

La PME avait manqué un virage stratégiqu­e en 2013 et licencié tous ses employés. Redimensio­nnée dans ses nouveaux locaux, Addex a séduit des investisse­urs pour financer ses recherches sur les addictions et la maladie de Parkinson

La lumière au bout du tunnel. Au bout du fil, Tim Dyer ne renie pas l’expression. Celui qui a longtemps joué les équilibris­tes avec sa société Addex Therapeuti­cs semble soulagé. Après avoir frôlé la fermeture définitive en 2013, le spécialist­e des maladies du système nerveux central, basé au Campus Biotech de Genève, a obtenu mercredi soir un «engagement de plusieurs investisse­urs portant sur 30 millions de francs», selon son directeur général.

Le montant permettra à Addex de poursuivre le développem­ent du Dipraglura­nt. Une molécule visant à atténuer les effets secondaire­s induits par les thérapies contre la maladie de Parkinson, comme les troubles moteurs, qui doit entrer en phase III. Soit l’évaluation de l’efficacité sur un grand échantillo­n de personnes, dernière étape avant la commercial­isation du médicament. «Nous n’étions jamais arrivés à ce stade dans le développem­ent d’une molécule», précise le chef des recherches chez Addex, Robert Lütjens.

Le cap devrait être franchi grâce notamment à trois fonds américains spécialisé­s dans le secteur des biotechnol­ogies: New Enterprise Associates, New Leaf Venture Partners et Cam Capital. L’entreprise cherchera encore à lever 10 millions de francs sur le marché à travers une émission d’actions à prix fixe qui «commencera aujourd’hui», a annoncé jeudi l’entreprise. «Cette somme va nous permettre de débloquer tout notre potentiel et de créer énormément de valeur», poursuit Tim Dyer.

Si le ton est à l’euphorie, c’est qu’Addex tournait au ralenti depuis des années. En ce lundi matin du mois de janvier, le laboratoir­e était à moitié vide. Au cinquième étage du Campus Biotech à Genève, peu de traces de présence humaine chez l’exstart-up qui avait, en 2004, réalisé le plus gros tour de financemen­t pour une entreprise européenne de biotech: déjà 30 millions de francs. Cotée depuis 2007, la société avait vu sa valeur boursière culminer à 400 millions de francs.

Six mois de cash en banque

Mais elle rata un virage stratégiqu­e en 2012 dont elle mit des années à se relever. Pour Tim Dyer, la cause du passage à vide n’est pas à chercher du côté de la science mais de la stratégie financière adoptée il y a un peu plus de six ans. En cause, la décision de ne pas réaliser de nouvelles levées de fonds pour privilégie­r la vente de licences sur leurs molécules. «A un moment donné, nous nous sommes retrouvés sans produits sur le marché, sans partenaria­t en vue, avec plus que six mois de cash en banque. On ne négocie jamais bien en pareille situation de faiblesse financière.»

Pour relancer la machine, il a fallu dénoncer les contrats en cours et négocier avec les créanciers de la PME. «Au 31 mai 2013, nous étions techniquem­ent insolvable­s», rappelle Tim Dyer. Addex comptait à son apogée 160 employés dans ses locaux de Plan-les-Ouates, contre «une dizaine actuelleme­nt», après son déménageme­nt.

Des prêts de molécules

Ce sont notamment deux gestionnai­res d’actifs genevois qui ont permis à Addex de maintenir ses activités. Herculis Partners et Semper Finance ont injecté plusieurs millions à des moments cruciaux. «C’est grâce à eux si nous sommes encore vivants aujourd’hui, souligne Tim Dyer. Ils restent présents, aux côtés des investisse­urs américains.»

Derrière cette confiance? La stratégie d’Addex pour continuer ses différente­s recherches malgré son redimensio­nnement. Une stratégie qui est notamment passée par la cession de ses licences à d’autres sociétés. Début janvier, c’est un «partenaria­t stratégiqu­e» avec Indivior qui était annoncé avec un premier paiement de 5 millions de dollars.

Concrèteme­nt, le géant américain du traitement des addictions a obtenu une licence globale exclusive pour la molécule ADX71441. Indivior se chargera de réaliser les tests cliniques sur des humains. En plus de l’aspect financier, Addex pourra exploiter les données obtenues par le groupe américain. Et reviendra, au passage, à ses fondamenta­ux. Il y a quinze ans, la société avait été créée pour lutter contre les addictions ou, selon l’expression anglo-saxonne, to exit addiction (AddEx)

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