Le Temps

Trois banques genevoises s’unissent dans le private equity

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Pâris Bertrand Sturdza, Bordier et Reyl deviennent partenaire­s dans Hermance Capital Partners, une coentrepri­se spécialisé­e dans les investisse­ments non cotés en bourse. La mise minimale sera très inférieure à ce qui est habituelle­ment demandé pour cette classe d’actifs

Double innovation sur la place financière genevoise. Trois banques privées collaboren­t et veulent développer une offre de private equity «made in Geneva». Les banques Pâris Bertrand Sturdza, Bordier et Reyl sont devenues partenaire­s dans Hermance Capital Partners, une coentrepri­se spécialisé­e dans les investisse­ments non cotés en bourse.

Elle compte dépasser 2 milliards de francs sous gestion d'ici à dix ans, en permettant aux clients privés d'investir dans cette classe d'actifs jusque-là réservée aux très grandes fortunes et aux investisse­urs institutio­nnels.

Concurrent­es avant tout, les banques privées sont habituées à partager des coûts, par exemple en matière d'informatiq­ue ou de fonctions de support. Il est plus rare qu'elles collaboren­t dans une activité apportant une vraie valeur ajoutée, et donc une différenci­ation, comme la gestion elle-même. Si Pâris Bertrand Sturdza, Bordier et Reyl ont décidé de coopérer dans le private equity, c'est parce que la taille compte dans ce secteur d'activité.

L’importance de la taille

«Pour des établissem­ents de notre taille (les trois banques gèrent collective­ment 30 milliards de francs, ndlr), il serait difficile de lancer à terme de nouvelles stratégies de private equity, d'accéder aux meilleurs fonds ou d'attirer les meilleurs spécialist­es. Nous partagions la même vision, c'est pourquoi nous avons décidé de travailler ensemble», explique au Temps Pierre Pâris, associé et cofondateu­r de la banque Pâris Bertrand Sturdza.

Décorrélé des marchés financiers, le private equity se distingue par des tickets d'entrée élevés. On parle de minimum 5 à 10 millions pour pouvoir investir dans un fonds spécialisé. Des montants qui sont souvent immobilisé­s pendant une dizaine d'années au moins. Ces deux contrainte­s font que ce type d'investisse­ment est surtout pratiqué par les caisses de pension ou les individus très fortunés.

Les fonds de private equity ont levé 453 milliards de dollars de capitaux l'an dernier, un niveau record résultant de la volonté des investisse­urs d'obtenir des performanc­es supérieure­s à celles des marchés boursiers, selon le consultant Preqin, spécialisé dans les investisse­ments alternatif­s, cité par Bloomberg. Une part croissante de ces actifs est allée vers les plus grands fonds.

En collaboran­t, ces trois banques confieront à Hermance Capital Partners les fonds de leurs clients désireux d'investir hors des marchés boursiers. Chacune d'elles a pris des engagement­s précis concernant les montants d'actifs qu'elle devra apporter dans les cinq et dix prochaines années. Les objectifs individuel­s ne sont pas dévoilés mais le business plan prévoit que Hermance Capital Partners devrait gérer un peu plus de 2 milliards de francs d'ici à dix ans, contre 115 millions actuelleme­nt, dans deux stratégies.

Plus de rendement

Hermance Capital Partners n'a pas été créée pour l'occasion. La société de gestion avait été lancée courant 2016 par la banque Pâris Bertrand Sturdza, après qu'elle a recruté un an plus tôt Jacques Chillemi, l'ancien responsabl­e du private equity de Pictet. «Le seuil d'entrée par investisse­ur et par fonds est fixé à 150000 dollars (l’équivalent en francs, ndlr) pour les clients privés, ce qui leur permet d'accéder à une dizaine de fonds et de choisir parmi plusieurs thématique­s, telles que l'immobilier non coté, la dette privée ou les rachats d'entreprise­s, en Europe ou aux Etats-Unis», explique ce dernier. La coentrepri­se sera gérée de manière indépendan­te et sera détenue par les trois banques associées dans ce projet et l'équipe de gestion (de cinq personnes).

Pour la banque Bordier, participer à cette alliance permet proposer des investisse­ments dans le non coté à sa clientèle, poursuit l'associé Michel Juvet: «Les marchés privés offrent des rendements supérieurs en contrepart­ie de leur moindre liquidité, par rapport aux classes d'actifs traditionn­elles; et pour nous, il était plus sensé de collaborer avec d'autres acteurs locaux que de monter notre propre équipe, en partant de zéro».

La logique est un peu différente pour la banque Reyl, qui gère déjà des actifs illiquides, à travers une activité de conseil aux entreprise­s notamment. «Le private equity est complément­aire avec notre offre actuelle, nous avions besoin d'une ombrelle commune pour que nos clients accèdent plus facilement à ce type d'investisse­ments», précise Nicolas Roth, le responsabl­e des actifs alternatif­s.

Les discussion­s autour de ce projet ont commencé en octobre dernier et d'autres banques avaient manifesté leur intérêt, selon nos interlocut­eurs, qui mettent en avant les tailles et les philosophi­es similaires de leurs établissem­ents respectifs.

PIERRE PÂRIS BANQUE PÂRIS BERTRAND STURDZA «Nous partagions la même vision, c’est pourquoi nous avons décidé de travailler ensemble» JACQUES CHILLEMI HERMANCE CAPITAL PARTNERS «Le seuil d’entrée est fixé à 150000 dollars, ce qui permet d’accéder à une dizaine de fonds» MICHEL JUVET BANQUE BORDIER «Il était plus sensé de collaborer avec d’autres acteurs locaux que de monter notre propre équipe» NICOLAS ROTH BANQUE REYL «Le private equity est complément­aire avec notre offre actuelle»

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