Le succès féminin du Krav Maga
Cette redoutable méthode séduit de plus en plus. Sa pratique apprend la maîtrise de soi et décuple la confiance que les femmes ont en elles. Un succès qui s’explique autant par un souci de prévention que par la réalité du harcèlement
C’est une redoutable méthode d’autodéfense qui marie plusieurs techniques de combat comme le judo, la boxe, ou encore le ju-jitsu. Le Krav Maga a d’abord été créé pour répondre aux besoins de l’armée israélienne. Mais aujourd’hui, il est devenu le sport de combat privilégié des femmes. Face aux violences, au harcèlement, elles sont de plus en plus nombreuses à se tourner vers cette technique de self-défense qui décuple la confiance en soi. Témoignages.
Poings serrés, regards déterminés. Une droite, punch gauche. Des yeux aux tibias, aucun point sensible du corps n'est épargné. Durant un cours de Krav Maga (qui signifie «combat rapproché» en hébreu), les élèves simulent des scènes d'agression. Les coups doivent être rapides et d'une précision quasi militaire. Pourtant, c'est aux civils que s'adresse désormais cette méthode d'autodéfense exportée de l'armée israélienne dans les années 1960.
«Au début, on voyait surtout des hommes, policiers ou employés dans le domaine de la sécurité parmi les pratiquants, observe Sébastien Sautebin, fondateur de l'école Krav Maga Lausanne. Ces dernières années, de plus en plus de femmes s'inscrivent aux cours.» Dans les clubs de Suisse romande et du Tessin, 23% des membres sont des femmes.
A l'heure du #MeToo, les femmes veulent pouvoir se défendre et tordre le cou aux préjugés sur le «sexe faible». Et souvent, ce sont des histoires personnelles et familières qui mènent les participantes à enfiler leurs chaussures de gym. Et un nouvel état d'esprit. «Il y a deux ans, un voleur nous a agressées, ma mère et moi, explique Irma, 35 ans. Malgré mon caractère fort, j'étais tétanisée. Je n'ai pas su comment réagir.» Après deux mois de Krav Maga, elle a alors développé ses réflexes et sent sa confiance en elle boostée. «J'analyse plus facilement les dangers. Et ça m'aide de savoir que je peux aussi apporter de l'aide à d'autres.»
A ses côtés, Kim a elle aussi vécu une agression qui l'a poussée à s'inscrire au cours, sur les conseils d'une amie. «Bien sûr, on donne et l'on prend des coups, mais on apprend aussi à se maîtriser, à se respecter soi-même et les autres, nuance cette photographe. On découvre son potentiel au fil des séances. Ça peut être thérapeutique.»
L'esprit du cours est fédérateur. Et féministe? «Oui! répond Marlène sans hésiter. La société dicte encore trop aux femmes d'encaisser les violences et de se taire. L'actualité récente le prouve encore.» Comme une majorité de Lausannoises, le harcèlement, elle connaît. Autant dans la rue, qu'auparavant, dans son cercle intime. Après cinq ans de pratique d'autodéfense, l'attitude de cette étu- diante en droit au visage poupin a changé. «Dès que je pose un pied dehors, je me mets en mode «krav». Je suis beaucoup plus sensible à mon environnement, mais je ne me sens pas parano pour autant. Quand je sors le soir et que je rentre à pied, je suis plus tranquille.» Marlène s'est aussi essayée à la version militaire du combat rapproché et à divers stages intensifs. «Selon moi, le Krav Maga est fait pour les femmes. Elles devraient toutes au moins essayer.»
Mais qu'est-ce que le Krav Maga, au fond? Un sport? Pas vraiment. S'il est un mix de plusieurs techniques de combat comme le judo ou la boxe, l'invention israélienne ne connaissait pas de championnat jusqu'en décembre dernier. «Le but est de donner aux participants des outils simples et efficaces pour se défendre, rappelle Sébastien Sautebin. Les cours sont ouverts à tout le monde. Ensuite, la progression est une affaire personnelle.»
Sans réelles règles ou limites, le Krav Maga s'adapte aujourd'hui à tous les âges et publics. Et si de nombreuses adeptes féminines choisissent les cours mixtes pour leur réalisme, les offres qui leur sont réservées se développent en Suisse. «Si plus de femmes participaient, le regard posé sur nous changerait, et les situations de violence diminueraient peut-être», imagine Marlène.
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