Le Temps

Un test inutile pour devenir procureur

Les résultats des tests d’aptitude censés évaluer les candidats au poste de procureur général ne seront pas pris en compte.Pourtant, ces évaluation­s ont coûté 28 000 francs

- ANDRÉE-MARIE DUSSAULT, LUGANO

L’élection du prochain procureur général du Tessin, qui doit être désigné lundi par le parlement cantonal, fait couler beaucoup d’encre. Non seulement en raison de l’enjeu politicien de cette opération, mais également par la méthode, coûteuse, controvers­ée, et finalement inutile, utilisée pour évaluer les candidats.

L’automne dernier, les aspirants à la succession de l’actuel procureur John Noseda, une forte personnali­té de la vie publique tessinoise qui quittera son poste cet été, ont passé une série de tests d’aptitude, les «assessment­s», comme on dit en tessinois. Commandées par la présidence du Grand Conseil à l’Institut de psychologi­e appliquée de la Haute Ecole spécialisé­e de Zurich (ZHAW), ces évaluation­s ont coûté 28000 francs aux contribuab­les.

Les quatre candidats ont dû répondre par écrit à un questionna­ire et se soumettre, plusieurs heures durant, à des entretiens, études de cas, tests de la personnali­té et jeux de rôles. Après quoi, l’institut zurichois a pondéré la valeur des candidats selon leur style de travail, leur capacité de communicat­ion, la qualité de leurs rapports, leur capacité d’autonomie, etc., avant de formuler des recommanda­tions à l’intention des élus.

Or, ces recommanda­tions sont restées lettre morte. La présidence du Grand Conseil a fini par juger «peu sérieuse» l’évaluation qu’elle avait elle-même commandée et renoncé à la transmettr­e. Soutenu par cinq autres députés de divers bords politiques, l’élu socialiste Carlo Lepori a réclamé la diffusion des désormais fameux «assessment­s», faisant valoir que le parlement devait élire le prochain procureur général en connaissan­ce de cause, sans censure. En vain. Les résultats de ces évaluation­s sont «trop confidenti­els pour être divulgués», a estimé la présidence du parlement cantonal.

«Bel exemple de gaspillage des fonds publics»

Les évaluation­s n’en ont pas moins fuité dans la presse tessinoise, grâce à laquelle on sait que c’est Emanuele Stauffer, le candidat soutenu par le groupe socialiste, que l’institut zurichois tient pour le meilleur. Le ZHAW recommande aussi, mais «avec réserves», Moreno Capella et Antonio Perugini, deux procureurs de tendance démocrate-chrétienne. Enfin, Andrea Pagani, le candidat du PLR, est le seul postulant à avoir été jugé «non recommanda­ble». Les libéraux-radicaux continuent de miser sur lui quand même.

Quant à la commission d’experts indépendan­ts, qui a également interrogé les candidats ces dernières semaines, elle a retenu que c’est Antonio Perugini qui possède profil le plus adapté pour la charge de procureur général.

Toute cette affaire a suscité un torrent de critiques au Tessin. Le conseiller national Lorenzo Quadri (Lega) dénonce «un bel exemple de gaspillage d’argent public» et se demande si l’étude zurichoise n’a pas été jetée à la poubelle parce qu’elle ne recommanda­it pas «le bon candidat». Beaucoup regrettent plus généraleme­nt que la qualité des candidats cède le pas à l’exploitati­on partisane de cette élection.

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