Le Temps

Pas de bilan… pas de bilan

- MARIE OWENS THOMSEN GLOBAL HEAD OF RESEARCH, INDOSUEZ

Si vous êtes fans d’Astérix et Obélix: Mission Cléopâtre, vous vous souvenez certaineme­nt d’Amonbofis déclarant: «Pas de pierre: pas de constructi­on. Pas de constructi­on: pas de palais. Pas de palais… pas de palais.» Blague à part, l’histoire est la même avec les comptes des Etats. Je m’explique. Le produit intérieur brut (PIB) est l’équivalent du compte «pertes et profits» des sociétés. Le PIB est un flux, une création de richesses (à moins d’être une perte, dans quel cas le pays se trouve en récession). Ce flux de production est bien sûr très intéressan­t à connaître, mais le bilan l’est tout autant. Le compte «pertes et profits» mesure les revenus alors que le bilan synthétise les actifs et les passifs, et donc la fortune accumulée. Or il est très difficile de relativise­r l’évolution des flux sans connaître le stock de tous les actifs.

Les pays de l’OCDE ont en moyenne 35 points de pourcentag­e de plus de dette sur PIB qu’avant la crise de 2008. Inquiétant, certes, mais avoir beaucoup de dettes est moins problémati­que si l’on possède une grande fortune. Le Japon par exemple, qui a la dette la plus importante au monde en pourcent du PIB, couvre a priori entièremen­t sa dette avec ses actifs financiers et non financiers (selon le FMI, 2013), tandis que les Etats-Unis seraient légèrement à court. Le pays dans l’échantillo­n du FMI qui a le plus d’actifs sur cette base par rapport à sa dette brute est la Norvège, et celui avec l’écart négatif le plus important est la Belgique.

Biais en faveur des grands PIB

Les pays n’ont toutefois pas que des actifs financiers et immobilier­s. Ils peuvent également disposer de ressources sous terre, sous l’eau (minéraux, poissons) ou de ressources en termes de capital naturel (eau douce, forêts, terres agricoles) qui ne sont pas encore systématiq­uement relevées. Le capital humain et social n’est également que très sommaireme­nt comptabili­sé. Ceci cause – hors analyse du bilan – un biais dans nos analyses en faveur des pays avec le PIB le plus élevé. Une exploratio­n des minéraux, par exemple, augmente le PIB mais diminue en même temps la richesse de l’Etat.

Si l’on souhaite analyser la pérennité de la stratégie de croissance d’un pays, il est évidemment nécessaire de savoir si les revenus courants se construise­nt sur une création de valeur ou sur une vente d’actifs. Et ce sont les pays avec le plus de ressources à mettre en oeuvre dans la production qui auront le plus de potentiel en termes de croissance du PIB dans le futur. Mais quels sont donc ces pays?

Les économiste­s et les statistici­ens brûlent de connaître la réponse à cette question et travaillen­t depuis plus de trente ans à l’élaboratio­n de concepts de bilans des pays. Les Nations unies, la Banque mondiale et des institutio­ns académique­s – entre autres – se penchent toutes sur le sujet. Malgré ces efforts, aucune norme internatio­nale n’a encore été établie. Il est urgent de connaître le bilan des pays. «C’est central, quoi», pour citer encore Astérix et Obélix.

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