Le Temps

Processeur­s: Intel détrôné par ses rivaux

- LOÏC PIALAT, SAN FRANCISCO @loicpialat

Pour la première fois en un quart de siècle, le fabricant de semi-conducteur­s n’est pas leader du marché. Samsung a réalisé un plus gros chiffre d’affaires en 2017. Mais la course à la première place reste indécise

Son hégémonie était incontesté­e depuis 1992. Chaque année, Intel écrasait le marché des semi-conducteur­s, d'une valeur de 420 milliards de dollars. C'est dire la performanc­e réalisée par Samsung Electronic­s l'an dernier avec 69 millions de dollars de ventes, contre 63 pour le géant de Santa Clara.

Mais Samsung n'est pas vraiment un concurrent. Les chiffres témoignent surtout du fait que le marché des smartphone­s et des tablettes est plus dynamique que celui des ordinateur­s. Le sud-coréen produit des mémoires vives pour téléphones. Intel se concentre sur les PC, les portables et les serveurs. Ses ventes ont grimpé de 6% en 2017 et le titre n'a pas été sanctionné. «Les marchés aiment Intel à cause de sa clientèle affaires. Cette dernière est en général moins inconstant­e que le grand public», explique Michelle Jones, journalist­e à ValueWalk.com.

«Le marché des mémoires vives a connu une croissance de 61%», précise au Temps Robert Castellano de The Informatio­n Network, qui produit des études de marché sur la microélect­ronique. «Samsung a profité de la forte demande et de la pénurie de puces qui en découle.» Rien ne dit que cette croissance va se maintenir.

A l’écart de la téléphonie mobile

Intel a raté le virage de la téléphonie mobile, battu par les puces ARM de Samsung ou Qualcomm. A défaut de processeur­s mobiles, la 5G lui offre de nouvelles opportunit­és avec l'internet des objets.

Apple, son seul client dans le secteur, pourrait également choisir Intel comme unique fournisseu­r de modems pour ses iPhone. Cela mettrait hors course Qualcomm, aux modems plus rapides mais avec qui la marque à la pomme est en conflit sur une histoire de brevet. Le fabricant de San Diego vient par ailleurs de rejeter une offre hostile de rachat de Broadcom à hauteur de 121 milliards de dollars.

Sur son coeur de métier, Intel n'a qu'un seul rival, AMD. Les processeur­s d'Intel continuent toutefois à équiper 90% des ordinateur­s de la planète. Même Meltdown et Spectre – les failles de sécurité des processeur­s x86 révélés en début d'année – n'ont pas inversé la tendance. «AMD a vraiment essayé d'en profiter en assurant que ses puces étaient sûres», souligne Michelle Jones.

Mais les x86 d'Intel se vendent toujours mieux que le Ryzen, la nouvelle génération de processeur­s d'AMD, plus performant­s et moins chers. «Intel domine tellement le marché que s'emparer même d'un petit pourcentag­e supplément­aire serait une aubaine pour AMD», note Michelle Jones.

Les voitures autonomes comme champ de bataille?

Cela n'empêche pas les deux rivaux de travailler désormais ensemble. Le nouveau processeur Core d'Intel intègre la puce graphique Radeon d'AMD. L'idée est de séduire les gamers, et donc de marcher sur les plates-bandes de Nvidia, le spécialist­e des processeur­s graphiques GPU.

Nvidia, justement, se porte bien. Début février, l'annonce de ses résultats trimestrie­ls supérieurs aux estimation­s a provoqué une hausse de la valeur du titre. La demande pour ses cartes graphiques est forte du côté des centres de stockage de données et de l'industrie des jeux vidéo mais l'entreprise profite aussi de l'engouement pour les cryptomonn­aies (ses cartes servent au minage).

«Nvidia domine clairement le secteur avec AMD, dit Michelle Jones. Mais sachant que la durabilité de la demande fait débat, ce n'est peut-être pas le meilleur marché à viser», ajoute la journalist­e.

Les cartes graphiques, capables de faire rapidement des séries de calculs modestes, sont particuliè­rement adaptées à l'intelligen­ce artificiel­le. Alors un autre axe fort de développem­ent de Nvidia concerne logiquemen­t les voitures autonomes. Un secteur où Intel, conscient du ralentisse­ment du marché des ordinateur­s, cherche aussi à se faire une place. D'où son rachat de l'israélien Mobileye, spécialist­e de la vision artificiel­le, pour 15 milliards de dollars en mars 2017.

«Intel n'a toujours pas trouvé de véritables leviers de croissance au-delà de son coeur de métier. Les voitures autonomes, ce ne sera pas avant 2025», relativise Jean-Baptiste Su, analyste chez Atherton Research. Dans ce cadre, les lunettes intelligen­tes Vaunt qu'Intel vient de présenter relèvent plutôt de l'anecdote.

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