Le Temps

Justin Murisier, 9 mois et 9 portes

- L. PT

Le skieur valaisan, dont «Le Temps» a suivi toute la préparatio­n, est sorti dès la première manche du slalom géant, son épreuve favorite. Il était déterminé à prendre tous les risques pour créer l’exploit

L’Autrichien Marcel Hirscher vient d’établir le meilleur chrono de la première manche du slalom géant quand Justin Murisier apparaît dans le portique de départ. Le Valaisan s’élance et attaque d’entrée. Attitude agressive. Virages appuyés. Il atteint le premier temps intermédia­ire en 16’64. Six centièmes de seconde en avance sur la superstar autrichien­ne de la spécialité. Les supporters suisses présents dans la tribune de Yongpyong ont à peine le temps de laisser échapper un «ooooh» d’espoir. Justin Murisier part à la faute. Sa course est terminée. Ses Jeux olympiques avec.

Un peu plus tard, Marcel Hirscher décrochera une deuxième médaille d’or sur la neige coréenne après avoir déjà remporté le combiné. Le Norvégien Henrik Kristoffer­sen et le Français Alexis Pinturault complétero­nt le podium. Meilleur Suisse: Loïc Meillard, neuvième. Justin Murisier ne saura jamais si, sans son erreur dès la première portion du parcours, il aurait pu s’approcher du podium.

Le sommet de sa saison

Ce géant était l’objectif majeur de sa saison. Neuf mois de préparatio­n, pour une vingtaine de secondes sur la piste. L’histoire se répète: cinq jours auparavant, il avait déjà été éliminé de sa première épreuve en Corée du Sud, le combiné alpin. Quatre ans plus tôt, il n’avait pas davantage été au bout du slalom de Sotchi pour son baptême du feu olympique. La semaine dernière, il nous le répétait une dernière fois au téléphone: «Tu viens aux Jeux olympiques pour tenter de décrocher une médaille. Finir dans le top 10, ici, cela ne sert à rien.»

Ne pas ruminer

Alors Justin Murisier assume. Le visage fermé mais droit dans ses chaussures de ski, il répond patiemment aux télévision­s qui lui demandent de faire le bilan de ses deux courses à Pyeongchan­g. Puis il se présente face aux journalist­es de presse écrite. «Ce qui s’est passé? C’est simple. Il était hors de question de faire dans la demi-mesure. Nous l’avons vu lors des précédente­s courses: les skieurs qui contrôlent, qui s’écoutent, terminent loin derrière. J’ai donc pris un maximum de risques dès le départ et cela n’a pas passé. Mon engagement était bon. Les sensations étaient là. Les skis me répondaien­t bien. Tous les voyants étaient au vert.»

Nous lui demandons s’il considère que l’issue est cruelle au vu des efforts fournis. Au même moment la foule crie et le jeune homme de 26 ans se retourne pour voir l’Italien Luca de Aliprandin­i chuter dans la zone d’arrivée, et rester de longs instants au sol. «Cruel? Oui et non. Je repars avec mes deux bras, mes deux jambes, je ne suis pas blessé. Cela pourrait être bien pire. Bien sûr que je suis déçu. Mais je le suis d’abord et avant tout pour ceux qui ont bossé à mes côtés, comme mon serviceman Marian, qui m’avait préparé des skis parfaits pour aujourd’hui.»

La constance comme seule issue

Déjà, le Bagnard se force à voir plus loin. «Si j’analyse ma saison à travers le seul prisme des Jeux olympiques, c’est clair qu’elle est ratée. Mais il n’y a pas que ça: en Coupe du monde, je suis dans le coup. C’est une autre optique: les places dans le top 10 ont une valeur. La constance est récompensé­e. Ma prochaine course, c’est Kranjska Gora le 3 mars.» D’ici là, va-t-il encore profiter un peu de l’ambiance des Jeux? «Je rentre à la maison demain [lundi]», coupe-t-il. En slalom géant, le rêve olympique de Justin Murisier a duré une vingtaine de secondes, avant un réveil brutal.

«Cruel? Oui et non. Je repars avec mes deux bras, mes deux jambes, je ne suis pas blessé. Cela pourrait être bien pire»

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