Le Temps

En Grèce, le chaos et la survie

Le démantèlem­ent de la chaîne ERT a avorté, tandis que l’appel d’offres pour les chaînes privées sombre dans la confusion

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Alexis Tsipras ne pouvait pas être plus clair. Lorsqu’il prononce, en juin 2015, son fameux discours pour défendre la «souveraine­té grecque» et la tenue d’un référendum sur le mémorandum de réformes exigées par l’Union européenne et le Fonds monétaire internatio­nal, le premier ministre hellène, héraut de la gauche radicale, tient à s’exprimer en direct sur ERT, la télévision publique. Oublié donc, le chapitre chaotique ouvert par la décision de son prédécesse­ur, le conservate­ur Antonis Samaras, de fermer le groupe audiovisue­l d’Etat.

Trois ans après, en ce début de 2018, celui-ci dispose même d’un canal supplément­aire: la chaîne Nerit, créée après l’interrupti­on brutale, a depuis été maintenue, aux côtés d’ERT 1, ERT 2 et ERT3 pour la région de Thessaloni­que.

Nouvelles licences

Qu’en déduire? «Pas grand-chose, sinon que le vieux monde politique hellénique a réussi à survivre. Et le dinosaure télévisuel avec lui», ironise un diplomate grec, tout juste rentré d’un grand pays européen. Pour preuve: le feuilleton compliqué et à rebondisse­ments des nouvelles licences de chaînes privées. Convaincus que le secteur pouvait être très lucratif pour des finances publiques grecques aux abois, les experts européens avaient préconisé en 2015 l’émission de quatre nouvelles licences pour remplacer les permis jusque-là provisoire­s octroyés aux sept chaînes privées existantes.

L’appel d’offres a eu lieu. Les candidats se sont manifestés, puis le Conseil d’Etat a cassé le dispositif. Chaos public d’un côté, chaos privé de l’autre: «On peut parler, en Grèce, d’un complexe politico-économico-télévisuel», juge Marie-Laure Coulmin Koutsaftis dans Les Grecs contre l’austérité (Ed. Le Temps des Cerises).

Une telle équation est-elle tenable dans un pays où les retraites ont été très durement amputées, et où l’économie privée demeure exsangue malgré l’améliorati­on des chiffres budgétaire­s (un excédent budgétaire primaire de 3,5% est prévu pour 2018)? 2600 salariés travaillai­ent pour l’ERT avant les réformes, dont 600 journalist­es. Les nouveaux chiffres sont aujourd’hui impossible­s à obtenir. «Les fonctionna­ires forment toujours plus d’un quart de la population active grecque, poursuit notre diplomate. ERT est comme l’ensemble du secteur public: en mode survie.»

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