Le Temps

En Belgique, une RTBF qui se démène

Contrairem­ent à la RTS, la TV belge francophon­e affronte une vraie concurrenc­e. Et elle a subi des coupes

- N. DU.

En Belgique francophon­e, la renégociat­ion du contrat de gestion qui fixe le mandat de la RTBF, la radio-TV publique, prend du retard. Ces discussion­s, qui ont lieu tous les cinq ans, souffrent d’une crise politique au niveau du gouverneme­nt régional. Si ces tensions relèvent de la politique générale, l’audiovisue­l public fait aussi l’objet d’un débat croissant. En vue du prochain mandat, «la place de la publicité à la RTBF, notamment, est discutée. Certains proposent de la supprimer, ce qui paraît difficilem­ent réalisable. Mais il pourrait y avoir une réduction en prime time, et un recadrage du placement de produits», indique Noël Theben, du Conseil supérieur de l’audiovisue­l belge, le CSA. La RTBF exploite six radios, dont son canal internatio­nal, et cinq chaînes de TV auxquelles s’ajoute la version belge d’Arte.

En raison du plurilingu­isme, le paysage belge ressemble à celui de la Suisse. Mais les différence­s sont nombreuses. La VRT, côté flamand, et la RTBF sont tout à fait distinctes. Il n’y a pas de holding nationale comme la SSR. Dans l’espace francophon­e, contrairem­ent à la télévision romande, la RTBF a une véritable concurrenc­e en face d’elle: RTL-TVI, une chaîne privée opérée par le groupe RTL basé à Luxembourg, qui échappe à certaines contrainte­s légales nationales, comme l’obligation d’investir dans la production belge. Même son régime publicitai­re relève du droit européen minimal. Le microcosme est en outre agité par le fait que TF1 va prochainem­ent ouvrir des fenêtres publicitai­res, comme en Suisse romande. Anticipant des pertes de recettes, RTL-TVI restructur­e, en supprimant 15% de ses effectifs.

Le groupe privé domine l’audimat. Il capte 25% de part de marché, contre 22% à la RTBF. TF1, elle, bénéficie de 18%, à comparer aux 10% en Suisse romande. La Belgique francophon­e ne connaît pas M6, filiale de Bertelsman­n comme RTL. Les émissions de M6 sont insérées dans les chaînes de RTL. Face à son principal concurrent, «nous gagnons du terrain», précise Jean-Paul Philippot, administra­teur général de la RTBF, qui situe le cadre politique dans lequel il évolue: «Si nous ne faisons pas assez d’audience, nous sommes critiqués; mais si nous en faisons davantage, nous le sommes aussi, au motif que nous occupons trop le terrain.»

Le financemen­t de la RTBF diffère aussi du système helvétique, puisqu’il n’y a pas de redevance pour l’audiovisue­l. Le groupe est financé à hauteur de 70% par une dotation de la Fédération Wallonie-Bruxelles, l’entité politique de la communauté francophon­e. Le budget est de 316 millions d’euros, dont un tiers de publicité et autres recettes.

La dépendance financière vis-à-vis du pouvoir politique a ses soubresaut­s. Jean-Paul Philippot rappelle que, depuis la crise de 2008, la RTBF a subi trois coupes budgétaire­s, avec des réductions d’effectifs à la clé. Ces dernières années, elle a bénéficié de l’indexation et de légères hausses. Une autre particular­ité locale est le poids important de la publicité à la radio: elle apporte 40% des gains de pub. «Une surpondéra­tion caractéris­tique du marché belge, due aux commerces régionaux, aux coûts bas de cette publicité», précise le responsabl­e.

Dans la grande mêlée actuelle, marquée comme ailleurs par l’arrivée en force des poids lourds américains tels que Netflix, l’audiovisue­l public réagit en mettant en avant son informatio­n locale et nationale, ainsi qu’en «développan­t l’écosystème créatif», ajoute le directeur. La RTBF a obtenu un triomphe avec un projet développé au format Snapchat. Et elle a fait une entrée fracassant­e sur la scène mondiale des séries TV en 2016 avec deux succès, dont La Trêve – acquise dans de nombreux pays et… par Netflix. Le diffuseur veut miser à plein sur ce créneau, que n’investisse­nt pas – ou pas encore – ses concurrent­s étrangers. JeanPaul Philippot annonce que 15 projets de séries sont sur les rails. Au CSA, Noël Theben souligne le phénomène: «Cela fait longtemps que nous n’avons pas eu de production­s belges rencontran­t un tel écho. Cela montre que l’arrivée des géants américains donne l’occasion de réfléchir à la production locale.»

«Si nous ne faisons pas assez d’audience, nous sommes critiqués; mais si nous en faisons davantage, nous le sommes aussi, au motif que nous occupons trop le terrain» JEAN-PAUL PHILIPPOT, ADMINISTRA­TEUR GÉNÉRAL DE LA RTBF

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland