Le Temps

Au Japon, la redevance obligatoir­e suscite la grogne

Un foyer nippon sur cinq ne paie pas sa contributi­on à la télévision publique NHK. En raison notamment de sa déférence envers les autorités

- PHILIPPE ESNARD,

Forte de finances solides, la NHK a commencé l’année par un ambitieux plan triennal pour la période 20182020. Avec en ligne de mire les Jeux olympiques de Tokyo de 2020, l’opérateur de l’audiovisue­l public nippon prévoit de commencer la diffusion de programmes en 8K, format offrant une résolution 16 fois supérieure à la HDTV. L’autre axe du développem­ent porte sur les services en ligne, pour «fournir au public un accès immédiat à l’informatio­n, n’importe où, n’importe quand», a expliqué son président, Ryoichi Ueda.

10 200 employés

Fonctionna­nt sans publicité, l’entreprise créée en 1926 emploie 10200 personnes et se finance à 96,8% avec les cotisation­s des téléspecta­teurs. A 1260 yens (10,80 francs) par mois, cette cotisation lui a assuré en 2017 l’essentiel d’un budget de 711,8 milliards de yens (environ 6,1 milliards de francs), qui sera bénéficiai­re de 9,8 milliards de yens (84 millions de francs). Le reste émane des ventes de produits, magazines ou DVD souvent dérivés de son canal éducatif. Le gouverneme­nt japonais accorde une contributi­on pour les programmes internatio­naux, notamment ceux de la chaîne en anglais NHK World, accessible selon l’entreprise à 260 millions de foyers de 160 pays.

Le financemen­t par le public permet aussi d’assurer une mission d’informatio­n obligatoir­e sur les catastroph­es naturelles. La NHK a développé un système en temps réel informant sur l’intensité des catastroph­es et mobilisant son dense réseau de bureaux locaux.

L’argent collecté auprès des Japonais doit garantir son indépendan­ce, mentionnée dans la loi sur la diffusion de 1950. Sur le fond, le ton NHK reste un peu désuet, excluant toute improvisat­ion: les textes des programmes sont tous écrits à l’avance et vérifiés pour éviter toute polémique et paraître consensuel­s. Beaucoup de Japonais y voient un gage de sérieux. Mais l’entreprise pâtit des soupçons de pressions gouverneme­ntales, surtout depuis le retour au pouvoir en 2012 du premier ministre Shinzo Abe. Quand il était porte-parole du cabinet Koizumi en 2001, il aurait poussé la NHK à couper un documentai­re sur le comporteme­nt de l’empereur Hirohito (1901-1989) pendant la Seconde Guerre mondiale. En 2013, il a tout fait pour confier les rênes de l’entreprise à un proche, Katsuto Momii, qui commença son mandat en disant que «si le gouverneme­nt dit «droite», je ne vais pas dire «gauche».

Cela alimente un mécontente­ment incitant des Japonais à refuser de payer leurs cotisation­s. En 2017, 20% des foyers avec télévision ne la réglaient pas, souvent parce qu’ils reprochent la soumission du média au gouverneme­nt et sa réticence à aborder en profondeur les scandales de trafic d’influence qui ont menacé Shinzo Abe.

Cela a incité l’entreprise, inquiète pour ses finances, à engager des actions en justice, ce qu’elle se refusait à faire jusqu’au début des années 2010. Le 6 décembre, la Cour suprême a jugé que tout propriétai­re de télévision devait s’en acquitter. Elle a débouté un Japonais qui refusait de payer au nom du droit constituti­onnel sur la liberté de passer des contrats.

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