Un pédagogue pour réformer l’éducation
Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, incarne désormais les réformes du quinquennat. Avec deux atouts: sa maîtrise des dossiers et la confiance du président
Il correspond à l'image qu'Emmanuel Macron se fait sans doute d'un parfait enseignant. Pédagogue, passionné de culture hispanique (il a écrit le Que sais-je? sur la Colombie et dirigea l'Institut des hautes études de l'Amérique latine), ancien directeur d'une prestigieuse école de commerce reconnue à l'international (l'Essec), Jean-Michel Blanquer, 53 ans, incarne à la fois le respect du savoir et la volonté d'intégrer les défis de la modernité économique mondialisée, chers l'un et l'autre au locataire de l'Elysée. Résultat: un parcours presque sans faute depuis sa nomination comme ministre de l'Education nationale, le 17 mai 2017.
«L’erreur consiste à enfermer les élèves dans des couloirs. Il faut à l’inverse multiplier les passerelles» JEAN-MICHEL BLANQUER
«Etre l'homme du big bang sur un sujet aussi complexe que le baccalauréat, et ne pas être encore diabolisé par les médias et les profs, c'est une prouesse. Il faut le reconnaître», avoue un député de la France insoumise (gauche radicale) dont le porte-parole Alexis Corbière a ferraillé contre le ministre lors de son passage à L’Emission politique, le 16 février sur France 2.
Un futur «bac» rétréci à quatre épreuves
Le big bang en question est tout sauf théorique. En France, le baccalauréat, qui sanctionne la fin des études secondaires et ouvre les portes de l'université, est un de ces «totems» auxquels le jeune président français avait promis de s'attaquer. Or, un an après son arrivée à l'Elysée, l'affaire est en route. Mercredi dernier, Jean-Michel Blanquer a proposé d'en finir avec le sacro-saint couperet de l'examen final, à l'issue de l'année scolaire. Si son projet de réforme est entériné, le futur «bac» n'aura plus que quatre épreuves écrites (contre une dizaine en moyenne actuellement) et intégrera pour 40% de la note finale les résultats des contrôles continus durant l'année. La première édition de ce bac remanié pourrait avoir lieu en 2021, avec pour objectif d'en finir avec l'épidémie du «bachotage» qui pollue les lycées français: cette obsession de l'examen final et de la mention qui l'accompagne éventuellement (les 80% de réussite cachant une sélection impitoyable en fonction des résultats). Obsession pour laquelle les préparations privées et payantes se sont multipliées ces dernières années.
Réformer ce symbole de l'enseignement général qu'est le bac après avoir proposé, au début de l'année, 20 mesures pour réhabiliter l'apprentissage est révélateur d'une méthode. Contrairement à ses prédécesseurs qui se sont vite retrouvés soit en butte avec le mastodonte qu'est l'Education nationale (plus de 700000 enseignants), soit perdus dans les contenus des programmes (la ministre précédente, Najat Vallaud-Belkacem, avait essuyé de cruelles polémiques sur la réforme de l'orthographe), Jean-Michel Blanquer a procédé autrement: en se focalisant sur les lycéens qu'il convient, selon lui, de protéger du chaudron si français des concours et des classements tous azimuts.
«L'erreur consiste à enfermer les élèves dans des couloirs, expliquait-il en 2017 au magazine Sciences humaines. Il faut à l'inverse multiplier les passerelles entre les différentes branches de formation qui existent au lycée, à l'université, en formation continue […]. Ce ne doit pas être grave de se tromper à l'école.»
Une stratégie du «donnant-donnant»
Les enseignants, très syndiqués, ont bien sûr réagi. Mais cet ancien recteur d'université, vétéran du Ministère de l'éducation nationale, a proposé ce qu'Emmanuel Macron n'est pas encore parvenu à instaurer sur d'autres fronts sociaux: un «donnant-donnant». Une prime de 3000 euros par an pour les professeurs en zone d'éducation prioritaire, promise par le candidat Macron, verra bien le jour. Les revalorisations salariales ont été plusieurs fois évoquées lors de ses négociations avec les syndicats. «Il est devenu une pièce maîtresse du gouvernement parce que ses réformes apparaissent au grand public comme positives» jugeait, à la fin de L’Emission politique, le politologue Brice Teinturier. Avec à l'appui un sondage éloquent: 71% des téléspectateurs ont affirmé avoir été convaincus par son intervention.
L'autre secret de la méthode Blanquer, dans une France politique rythmée par les règlements de comptes politiques et personnels, est qu'il a aussi bien travaillé dans le passé avec la droite qu'avec la gauche. Lui, l'ami personnel de l'ancien ministre de droite François Baroin, est régulièrement couvert d'éloges par Jack Lang, icône culturelle socialiste. Un profil consensuel habilement cultivé par celui qu'Emmanuel Macron est allé chercher pendant sa campagne, après en avoir parlé avec Brigitte, son épouse enseignante. «Nous avions en commun un socle de principes, à commencer par le dépassement du clivage gauchedroite, un clivage qui fait plus de mal à l'école que de bien. Nous partageons aussi l'idée du pragmatisme et la volonté de regarder avec lucidité ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas», expliquait-il en mai 2017 au Monde.
Et maintenant? «Jusque-là, les appels à manifester ont été peu suivis. Sa force est de n'avoir pas antagonisé les élèves et les étudiants», explique un responsable syndical. Blanquer, ou le ministre-démineur concentré sur ses seuls dossiers.
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