Le Temps

A Berne, une Russie sûre d’elle fustige les sanctions

- MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaum­e

Reçu en Suisse, le président de la Douma, Viatchesla­v Volodine, critique les mesures américaine­s qui frappent la Russie, alors que le président du Conseil national, Dominique de Buman, prône le dialogue

On annonçait une visite «en grande pompe», cela n'a pas vraiment été le cas. Le président du Conseil national, Dominique de Buman, et son homologue de la Douma russe, Viatchesla­v Volodine, ont tenu leur point de presse dans ce qui est probableme­nt la plus petite salle du Palais fédéral, qui était celle des journalist­es avant 2008. Tandis que le Fribourgeo­is s'est fait très discret, le Russe a vivement critiqué la politique des sanctions pratiquée par les Etats-Unis et l'UE. Il n'y a eu ni incident, ni même controvers­e.

Un proche de Poutine

D'un côté, l'un des nouveaux hommes forts du président Vladimir Poutine, la poitrine bombée, très fier d'avoir été reçu en Suisse malgré les sanctions de l'Union européenne que la Confédérat­ion n'applique pas. De l'autre, Dominique de Buman, à la silhouette beaucoup plus frêle, qui a rarement été aussi peu bavard. Le Fribourgeo­is a paru emprunté. Il a d'abord rappelé que cette visite avait été sollicitée par son prédécesse­ur, Jürg Stahl.

Surtout, il a pris soin de ne pas froisser son hôte, notamment sur l'une des questions qui fâchent, à savoir l'Ukraine. «Il n'est pas question que la Suisse se mêle d'un conflit intérieur», a-t-il déclaré, omettant apparemmen­t le fait que l'Ukraine est un pays indépendan­t. «Mais la Suisse est disponible pour offrir ses bons offices si on les lui demande.» De l'invasion de la Crimée en mars 2014, que la Suisse avait condamnée, il n'a pas été question durant le point de presse.

Voilà qui a dû faire très plaisir à Viatchesla­v Volodine. Celui-ci est sous le coup de sanctions précisémen­t pour le rôle qu'il a joué dans cette opération éclair qui a suivi les Jeux olympiques de Sotchi. Agé de 54 ans, ce natif de la région de Saratov fait partie de la «génération Poutine». Elu à la Douma en 1999, il devient très vite le chef suppléant de Russie unie, le parti sur lequel s'appuie le président. Depuis, il ne cesse de gagner en influence au Kremlin. Il est nommé vice-premier ministre en 2010, à l'époque où Vladimir Poutine a dû s'effacer de la présidence pour diriger le gouverneme­nt durant quatre ans. Un an plus tard, le voilà premier directeur adjoint de l'administra­tion présidenti­elle, puis propulsé au perchoir de la Douma en 2016. Plusieurs observateu­rs le considèren­t comme l'un des principaux architecte­s des réformes conservatr­ices – et souvent anti-occidental­es – de ces dernières années.

Cela n'a pas empêché Dominique de Buman et Viatchesla­v Volodine de célébrer l'amitié, la paix et le dialogue ce lundi à Berne. Ravi d'être accueilli dans un «pays neutre» situé tout de même au coeur de l'UE géographiq­uement, le Russe a vivement critiqué la politique des sanctions décrétées par les Etats-Unis, qui, selon lui, n'a pour but que de «remplacer les entreprise­s russes par des firmes américaine­s sur le marché européen».

Les sanctions, «une impasse»

«Les sanctions, non conformes aux règles de l'OMC, mènent à l'impasse», a martelé le président de la Douma, qui s'est fait sarcastiqu­e. Car en fin de compte, la Russie ne les regrette pas trop. Non seulement son économie va bien, ayant enregistré une croissance de 2% l'an dernier. Mais certains de ses secteurs qui souffraien­t de lacunes criantes sont devenus plus autarcique­s. «Dans l'industrie de l'armement, 100% des composants sont désormais russes. Dans la finance, nous avons créé notre propre système de paiement, ce qui nous permet de nous passer des cartes Visa et MasterCard.»

Quant au secteur agricole, il serait celui qui a le plus profité indirectem­ent des sanctions. Grâce aux restrictio­ns imposées par la Russie contre les importatio­ns occidental­es, «nous sommes désormais capables d'assurer notre sécurité alimentair­e, ce dont nous n'osions même pas rêver auparavant», a ajouté Viatchesla­v Volodine avant d'être reçu dans l'aprèsmidi par le patron des Affaires étrangères, Ignazio Cassis.

Quant à la prochaine élection présidenti­elle, Viatchesla­v Volodine la promet plus «transparen­te et légitime» que jamais. La Suisse a promis d'y envoyer deux observateu­rs du parlement pour le compte de l'OSCE pour s'en convaincre.

 ?? (ANTHONY ANEX/KEYSTONE) ?? Le président de la Douma, Viatchesla­v Volodine (au centre), au Palais fédéral.
(ANTHONY ANEX/KEYSTONE) Le président de la Douma, Viatchesla­v Volodine (au centre), au Palais fédéral.

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