Le Temps

La sécurité mondiale se détériore

- FRANÇOIS NORDMANN

La Conférence de sécurité de Munich, créée en 1963 et qui en est à sa 54e édition, occupe une place à part dans le système des think tanks et des réunions d’experts consacrés aux relations internatio­nales. Elle réunit informelle­ment des chefs d’Etat ou de gouverneme­nt, des ministres de la Défense et des Affaires étrangères de plus de 30 pays. Elle accueille également des parlementa­ires, des diplomates, des militaires de haut rang et même des maîtres espions, soit au total plus de 500 participan­ts.

La présence de tant de dignitaire­s dans un hôtel cinq étoiles au coeur de la capitale bavaroise lui confère une grande visibilité (le quartier est en état de siège, les commerces sont fermés pendant trois jours), d’importante­s forces de police et de protection militaire à la Davos sont mobilisées.

La conférence sert de cadre à de nombreuses rencontres bilatérale­s et tractation­s diplomatiq­ues – c’est un lieu de rendez-vous discret pour parler de forces de séparation en Ukraine, de désescalad­e en Syrie ou encore pour tenter de compléter l’accord nucléaire avec l’Iran sur la question des missiles balistique­s. Ces trois thèmes ont fait l’objet de consultati­ons en marge de la conférence cette année. Elle bénéficie d’un large écho dans la presse internatio­nale. Le secteur de la sécurité internatio­nale vient dresser à Munich son bilan annuel de santé. La conférence se veut ouverte, libérale et suit une ligne transatlan­tique, assez proche de l’OTAN en général.

M. Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, a ouvert la conférence et donné le ton. La situation internatio­nale s’est aggravée sous l’effet de nouvelles menaces mondiales, dues notamment à la proliférat­ion des armes nucléaires (et chimiques), et de l’interdépen­dance des conflits aux conséquenc­es humanitair­es dévastatri­ces, euxmêmes liés au terrorisme mondial. On le voit au Moyen-Orient où toutes les lignes de fracture s’entrecrois­ent et provoquent un véritable chaos, chaque pays étant touché par un ou plusieurs des facteurs de guerre propres à la région.

L’ONU n’est pas restée inactive face à ce noeud gordien – on pense au processus de Genève piloté par Staffan de Mistura, représenta­nt spécial pour la Syrie, très présent à Munich. Mais c’est insuffisan­t. La complexité du problème tient en partie à l’Iran, qui est à la croisée de conflits avec l’Arabie saoudite, Israël et les Etats-Unis. Pour ce qui est de la guerre froide qui se développe dans les Etats du Golfe, Antonio Guterres relance l’idée d’une sorte de conférence d’Helsinki comme en Europe au début des années 1970. Cependant, la tension est encore montée d’un cran en direct lors d’échanges musclés entre le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, et le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif.

Autre foyer dangereux pour la paix et la sécurité internatio­nales, la Corée du Nord refuse d’exécuter les résolution­s du Conseil de sécurité et de renoncer à son programme nucléaire et à ses missiles. Tous les Etats doivent maintenir la pression sur elle pour aboutir à la dénucléari­sation de la péninsule coréenne par la voie pacifique – le recours à une solution militaire serait désastreux.

Les pays de l’UE ont surtout mis en évidence leur nouvelle politique de défense, sans parvenir à dissiper les doutes qu’elle pourrait concurrenc­er l’OTAN. Le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, a rappelé que par-delà les contrainte­s que lui impose la neutralité, son pays entendait apporter sa contributi­on à la politique de défense et de sécurité commune. Il ajoute avec un brin d’insolence que «la perspectiv­e sur le monde peut être différente quand on a 31 ans»… Pour sa part, Sigmar Gabriel, ministre allemand des Affaires étrangères, a exhorté l’Europe à surmonter ses petites querelles internes et à s’unir face au retrait américain et aux avancées chinoises: ayons le courage de nous projeter dans le monde, si inconforta­ble et truffé de risques soit-il!

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