Le Temps

Ce que vos gènes diront pourra-t-il être retenu contre vous ?

- REBECCA RUIZ @reb_ruiz

Connaissez-vous 23andMe? Cette entreprise californie­nne a démocratis­é le séquençage du génome, qu’elle propose pour 200 dollars à partir d’un échantillo­n de salive. Sur cette base, la société vous livre des informatio­ns sur vos origines, mais aussi des probabilit­és de risque pour certaines maladies. Moins commercial­e, l’analyse du génome s’installe aussi sur l’Arc lémanique, où vient de s’ouvrir le plus important centre de séquençage à haut débit d’Europe. Avec des perspectiv­es fascinante­s en médecine prédictive et personnali­sée.

Alors, tout savoir de votre génome, est-ce tentant? effrayant? A titre individuel, un peu des deux probableme­nt. Et pourtant, collective­ment, nous avons un intérêt commun: c’est en croisant les informatio­ns génétiques du plus grand nombre que les scientifiq­ues pourront faire le mieux progresser les traitement­s. Pour que les tests deviennent fréquents, ils doivent être rapides, abordables, mais surtout sécurisés, et donc il faut garantir que les résultats n’appartienn­ent qu’à la personne concernée. Or, dans moins d’une semaine, le parlement traitera d’une révision de la loi fédérale sur l’analyse génétique qui pourrait bien vous dégoûter pour toujours d’en savoir plus sur votre ADN.

La commission, contre l’avis du Conseil fédéral, veut en effet rendre obligatoir­e, pour conclure une assurance vie ou une assurance invalidité facultativ­e, la transmissi­on de tout profil génétique réalisé préalablem­ent, dans quelque contexte que ce soit, à l’assureur. Que se passera-t-il si cette dispositio­n l’emporte? De nombreuses personnes renonceron­t à tout séquençage, de peur qu’il révèle des informatio­ns qui conduiront l’assurance à leur proposer des conditions plus défavorabl­es ou à émettre des réserves. En bref, à les discrimine­r. Difficile de faire pire pour l’image des tests génétiques. Avec des conséquenc­es catastroph­iques pour la recherche, qui manquera de volontaire­s et verra donc la taille de ses échantillo­ns limitée… L’enjeu est colossal pour la Suisse. Avez-vous entendu la place scientifiq­ue sonner l’alarme? Moi non plus, et pourtant je tends l’oreille! Mesdames et messieurs les chercheurs: j’ai déjà un peu peur de connaître mon génome. Si demain, vous ne voulez pas que je sois terrifiée à l’idée qu’il sera utilisé contre moi, il vaudrait mieux vous mobiliser aujourd’hui.

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