2018, l’année clé des réformes Macron
Education nationale, SNCF… les réformes initiées par Emmanuel Macron dominent l’agenda de ce début 2018. Avec une grande crainte: une France paralysée par les protestations sociales. Et une nouvelle donne: une opinion moins hostile aux changements
Ça passe ou ça casse. Pour Emmanuel Macron, la transformation est en marche. De l’Education nationale à la SNCF, la valse des réformes a commencé. Les vents n’ont jamais semblé aussi favorables. L’opinion est moins hostile aux changements. Reste le spectre d’une France paralysée par les protestations sociales. Etat des lieux d’un chantier à hauts risques.
Sur le papier, un nouvel ouragan politico-social français paraît programmé. La première bourrasque a soufflé, le 1er février, avec l’annonce d’un prochain «plan de départs volontaires pour 120000 fonctionnaires d’ici à 2022», scénario absolument inédit dans l’Hexagone.
Les turbulences se sont précisées avec l’annonce d’un plan pour l’apprentissage et d’une réforme drastique du sacrosaint baccalauréat par le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer. Et voilà que depuis trois jours, la tempête menace la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), qu’un rapport remis par l’ancien PDG d’Air France Jean-Cyril Spinetta demande, en 43 propositions (dont la remise en cause du statut des cheminots et la transformation de certaines entités en «sociétés à capitaux publics»), de bouleverser radicalement…
«Macron a le point»
Emmanuel Macron a promis de «transformer la France». Moins d’un an après son accession à l’Elysée, le nombre de chantiers ouverts prouve que le président et son gouvernement tiennent parole, au moins au niveau de l’affichage des réformes. 2017 avait été l’année des cinq ordonnances réformant le Code du travail, dont le résultat principal est d’avoir replacé l’entreprise au centre de la négociation sociale, d’avoir facilité embauches et licenciements, et d’avoir limité les indemnités prud’homales.
Un premier virage bien négocié, puisque la France n’est pas «descendue dans la rue» malgré les incantations du leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon: «Pour l’instant, c’est Macron qui a le point. Faut pas chercher à le cacher, parce que si on raconte des histoires, on n’est pas crédible», avait d’ailleurs concédé, en octobre 2017, le troisième homme de la présidentielle (19,5% des voix au premier tour).
En 2018, la route reste sinueuse pour le chef de l’Etat et son premier ministre Edouard Philippe (issu de la droite). Certes, le tandem de l’exécutif français est repassé sous la barre des 50% de popularité. Mais les accidents de parcours ont jusque-là été habilement déjoués. Ce lundi 19 février, la première rencontre entre les syndicats de la SNCF et la ministre des Transports Elisabeth Borne, afin de lancer la consultation promise par le gouvernement, n’a pas mis le feu aux poudres.
Autre signe que la porte reste ouverte: les syndicats de la fonction publique, qui appellent à une journée d’action le 22 mars prochain, ont accepté la phase de concertation conduite par le jeune ministre Gérald Darmanin, affaibli par les accusations de harcèlement sexuel qu’il passe son temps à démentir, en brandissant le classement sans suite des plaintes évoquées dans les médias.
Plus important: la CFDT, premier syndicat français du secteur privé depuis les élections professionnelles de 2017, semble vouloir rester un allié solide. Sa base n’apparaît ni complètement hostile à la réforme du statut des fonctionnaires, ni rétive aux réflexions sur l’introduction de rémunérations au mérite dans l’administration…
L’éditorialiste conservateur Nicolas Baverez, auteur de La France qui tombe (Ed. Perrin), affirmait avant la présidentielle «qu’on peut réformer la France». Est-ce toujours vrai? «Oui, car le changement politique a accouché d’un changement psychologique. Mais attention: ce genre de chose ne dure pas», arguait-il récemment lors d’une conférence publique organisée par le pro-libéral Institut Montaigne.
Baverez fait, sans surprise, partie de ces observateurs qui pensent que les réformes Macron ne vont pas assez loin, alors que la croissance économique (2% pour 2018) donne de l’oxygène au pays. Mais avec l’annonce, pour le premier semestre 2019, de la «mère de toutes les réformes» que devrait être le grand chamboulement des retraites – avec l’alignement envisagé du public sur le privé – le gouvernement semble ne pas vouloir ralentir: «Emmanuel Macron a toujours dit qu’il fallait aller vite, en début de mandat. Il est passé à l’acte. Je ne suis pas nostalgique des zigzags de François Hollande», juge un ancien ministre socialiste qui pointe, lui, une seule faute grave: l’augmentation de la contribution sociale généralisée, pénalisante pour les classes moyennes.
Que répondent les Français? Etonnamment dans ce pays présidé par un quadragénaire mais toujours corseté par les conservatismes, ils ne disent pas «stop!». Au contraire. L’institut BVA en janvier? «24% font confiance à Macron et au gouvernement pour prendre des mesures permettant d’augmenter leur pouvoir d’achat.» L’institut Ipsos début février? «40% jugent que les choses vont dans la bonne direction en France» (11% de plus qu’en septembre 2017). L’institut Opinion Way? «76% favorables aux départs volontaires dans la fonction publique.»
Sans parler des autres promesses ou annonces macroniennes bien accueillies par l’opinion, comme la création d’un service national obligatoire de six mois (six Français sur dix y sont favorables), ou le paquet de réformes constitutionnelles promises, comme la réduction envisagée du nombre de députés de 577 à 400 (neuf sur dix l’approuvent), ou le recours envisagé au référendum (85% favorables selon Harris Interactive). Le blocage social est, en 2018, une hypothèse à ne pas exclure. Mais il n’apparaît plus irrémédiable.
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