Le Temps

Ne pas provoquer les syndicats

- R.W.

Deux fois plus de syndiqués dans la fonction publique et les entreprise­s publiques que dans le secteur privé: en France, ce chiffre, confirmé dans une étude de 2016 de la DARES (l’institut de recherche du ministère du travail) dit tout. C’est à la SNCF, dans les administra­tions, dans l’éducation nationale et chez les géants en partie privatisés comme EDF, que les syndicats disposent des meilleures armes pour s’opposer aux réformes.

Une réalité encore plus vraie sous le quinquenna­t d’Emmanuel Macron. Avec, d’un côté, une poussée de la CFDT réformiste – négociatri­ce privilégié­e par le gouverneme­nt lors des négociatio­ns sur la réforme du code du travail – dans les entreprise­s, au sein desquelles elle est devenue en mars 2017 la première force syndicale. Et de l’autre, une CGT toujours accrochée à sa première place au sein de la SNCF (34% des voix) où elle contrôle le terrain social avec son allié Sud-Rail (gauche radicale), dont les adhérents sont encore plus déterminés.

Comment procéder dès lors? Pour Loïk Le Floch-Prigent, ancien PDG de la SNCF sous le quinquenna­t Mitterrand, la réponse est stratégiqu­e: «Il faut isoler la CGT et lui montrer en même temps que ses personnels, qui jouissent souvent des fameux statuts particulie­rs, seront touchés a minima par les réformes.»

Autre réalité à ne pas sous-estimer pour le gouverneme­nt: le poids spécifique de Force ouvrière (dissidence de la CGT communiste en 1947) dans la fonction publique et la personnali­té de son secrétaire général sortant, Jean-Claude Mailly, qui s’est montré plutôt conciliant depuis le début du quinquenna­t. Or Mailly achève son mandat lors du prochain congrès de l’organisati­on, du 23 au 27 avril à Lille: «FO, comme la CGT, doit être rassurée sur ses bastions, juge un membre du Conseil économique et social. Gare à la tentation du rapport de force.»

Le scénario cauchemar qu’Emmanuel Macron a bien sûr en tête est celui des grandes grèves de l’hiver 1995 contre le projet de réforme des retraites du premier ministre Alain Juppé. Le secteur public avait été le moteur de la mobilisati­on sociale. La paralysie avait gagné la présidence de Jacques Chirac. Une autre époque?

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