Ne pas antagoniser la jeunesse
Daniel Cohn-Bendit ne veut plus en parler. «Mai 68, c’est terminé, fini, passé», explique-t-il aux correspondants étrangers qui, presque tous, le sollicitent ces jours-ci pour recueillir ses souvenirs du printemps qui souleva Paris, voici un demi-siècle. La coïncidence, pourtant, ne doit pas être écartée. Les célébrations sont toujours propices au réveil des revendications, et la colère étudiante a toujours, en France, rythmé la contestation sociale: «A 40 ans, Emmanuel Macron est le premier président français à ne pas avoir vécu les «événements» de mai, nous expliquait l’historien Jean-Noël Jeanneney, lors des Rendez-vous de l’histoire de Blois en octobre 2017. Mais il a bien compris que son mandat se gagnera, ou non, en partie sur les aspirations ou les frustrations de la jeunesse.»
Le président français a promis une commémoration officielle du «joli mois de mai». Difficile, toutefois, de ne parler que du printemps étudiant. Car ce mois-là fut aussi celui de la plus grande grève générale de l’histoire de France, et des accords de Grenelle négociés par le gouvernement Pompidou avec les syndicats et riches en acquis sociaux (revalorisation de 35% du smic, quatrième semaine de congés payés, augmentation de 10% des salaires pour tous).
Le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez a d’ailleurs lui même activé la machine à remonter le temps en appelant à une première journée de grève massive dans la fonction publique le 22 mars, jour de la première mobilisation à l’Université de Nanterre en 1967. Les garçons avaient alors envahi le bâtiment de la cité U réservé aux filles. Six mois plus tard, Daniel Cohn-Bendit mettait le feu en accusant le ministre de l’Education nationale François Missoffe «d’ignorer les problèmes sexuels des jeunes». Alors, les étudiants redescendront-ils dans la rue? Deux gouvernements ont succombé à cette déferlante jeune. En 1986, Jacques Chirac premier ministre est ébranlé par les manifestations contre la loi Devaquet sur la sélection à l’université. En 1994, le gouvernement de Dominique de Villepin abandonne son projet de Contrat première embauche (CPE). Or les deux sujets, la sélection universitaire et l’accès des jeunes au marché du travail, sont aujourd’hui à l’agenda. Pour l’heure sans incendie…
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