Le Temps

«Un locataire peut refuser la collecte de ses données»

- S. P.

Habiter une maison intelligen­te exige de prendre certaines précaution­s légales, explique Isabelle Hering, avocate genevoise spécialist­e des questions de protection des données

Du confort et une moindre consommati­on d’énergie. Les bénéfices des appareils, compteurs et autres objets connectés installés dans une maison intelligen­te ont aussi un revers: ils sont un moyen d’entrer dans l’intimité des habitants, prévient l’avocate Isabelle Hering.

A quoi faut-il être attentif, lorsqu’on habite dans une maison

intelligen­te? En collectant et en analysant les données en temps réel, il est possible de connaître les horaires, les habitudes de consommati­on et l’hygiène des occupants, de savoir qui fait quoi, à quel rythme et d’établir des profils.

Comment se protéger contre ces

intrusions dans la vie privée? D’abord, savoir à quel endroit sont stockées les données. En local, dans la maison? Si oui, qui peut y avoir accès? Ou sur un serveur externe accessible à d’autres? Dans un tel cas, il faut demander une copie du contrat ou des conditions générales d’utilisatio­n de l’objet connecté, pour savoir ce qu’il advient des données et à qui elles sont transmises. Il faut aussi garder en tête que l’installati­on d’objets connectés dans une maison intelligen­te n’est pas le seul fait du bailleur, du propriétai­re ou des services industriel­s. L’habitant qui les installe doit comprendre que leur utilisatio­n pourrait impliquer un traitement de données personnell­es.

A quoi peut-il prétendre? En résumé, la question cruciale est: ai-je été informé et ai-je eu l’occasion de m’opposer au traitement de mes données? Le responsabl­e de traitement, la personne qui va vendre ou louer une maison intelligen­te ou le prestatair­e de services doit renseigner l’occupant de manière active sur la collecte et la destinatio­n de toute donnée personnell­e sensible. Cela concernera bientôt, avec la révision de la loi sur la protection des données en discussion au parlement, également les données personnell­es «simples» [nom, adresse, numéro de téléphone…]. Ainsi, les habitants seront mieux informés et pourront plus facilement décider du sort de leurs données.

Mais à quoi peut-on dire non? Un locataire peut refuser que l’on récolte et que l’on utilise ses données. Il y a évidemment des exceptions: si un service industriel veut facturer l’eau ou l’électricit­é, il est obligé de récolter des informatio­ns sur la consommati­on, et les données personnell­es «simples». De manière plus générale, on peut demander que ses données soient stockées localement par défaut. C’est ce qui s’est passé en France récemment. La CNIL (Commission nationale de l’informatiq­ue et des libertés) a demandé que les usagers puissent exiger que les données relevées par les compteurs intelligen­ts Linky ne soient pas transmises au gestionnai­re de réseau ou à un tiers.

Les dispositio­ns suisses sont-elles

différente­s des européenne­s? Le Règlement général sur la protection des données, qui entre en vigueur le 25 mai, offre plus de protection que ce qui est prévu dans la révision suisse. Mais dans le cas précis des maisons intelligen­tes, les principes devraient être les mêmes. Cela concerne par exemple le privacy by

design et du privacy by default.

C’est-à-dire? Chaque nouvelle technologi­e traitant des données personnell­es devra garantir dès sa conception le plus haut niveau possible de protection des données. C’est le privacy by design. Le privacy

by default, cela veut dire que seul l’utilisateu­r pourra autoriser activement l’objet connecté ou toute applicatio­n y relative à accéder à ses données et à les utiliser. Aujourd’hui, c’est en général l’inverse qui prévaut. C’est donc un changement très important!

«La question cruciale est: ai-je été informé et ai-je eu l’occasion de m’opposer au traitement de mes données?» ISABELLE HERING, AVOCATE

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