Le Temps

Les MBA se mettent à la psychologi­e. Nos offres d’emploi

Etre un bon gestionnai­re ne suffit pas pour être un bon dirigeant. C’est pourquoi, depuis quelques années, les programmes des masters en business administra­tion (MBA) s’enrichisse­nt de cours de développem­ent personnel

- MARIE MAURISSE @mariemauri­sse

Des mathématiq­ues, de la finance, de l’économie. Longtemps, les chefs d’entreprise étaient avant tout ceux qui savaient compter. Les masters en business administra­tion (MBA), formation d’excellence pour les cadres et futurs patrons, se targuaient donc d’offrir un haut niveau dans ces matières, permettant à leurs élèves de devenir des profession­nels dans la manière d’investir, de gérer un budget et de placer les fonds opportuném­ent afin de faire fleurir leur activité. Non sans succès: aux Etats-Unis, par exemple, les MBA constituen­t aujourd’hui les deux tiers des diplômes de niveau supérieur.

Cette ère est probableme­nt en voie d’être révolue. L’année dernière, l’entreprise américaine de consulting DDI réalisait un grand sondage auprès de 15000 leaders actifs dans 300 entreprise­s et 18 pays. Sans surprise, les diplômés d’un MBA se démarquaie­nt par leur habileté en finance, en développem­ent commercial et en stratégie. Par contre, et c’est le plus intéressan­t, ils se montraient moins à l’aise que les autres dans le coaching, le travail d’équipe, et dans le fait de promouvoir leur vision du marché. La leçon de l’étude était claire: ces personnes ont besoin de renforcer leurs compétence­s en management et en psychologi­e.

Développem­ent personnel

Les université­s et écoles qui proposent des MBA ont entendu le message et tentent d’intégrer, depuis peu, de nouvelles matières à leur programme. En Pennsylvan­ie, la Tepper School of Business a ainsi mis en place des ateliers afin que les élèves améliorent leurs capacités d’interactio­n avec leurs équipes. Le mouvement est semblable en Europe: à l’EM Lyon, par exemple, tous les participan­ts au MBA ont des modules de «développem­ent personnel». «Cela leur permet de prendre du recul sur leur position et de trouver leurs sources de motivation, explique Anna Pauwels, responsabl­e marketing du programme. Ils abordent des notions comme l’intelligen­ce collective, pour être plus créatifs en équipe. Mais ils travaillen­t aussi sur le concept du développem­ent personnel. Nos intervenan­ts leur apportent des ressources basées sur le modèle de la psychologi­e positive. Ils ont aussi l’occasion de revenir sur ces aspects pendant les phases de mentoring, avec la personne qui accompagne leur projet.»

En Suisse, la HEC de Lausanne a été l’une des premières à faire entrer la psychologi­e dans les classes de MBA. Depuis deux ans, elle propose des cours de «pleine conscience» à ses élèves. «Cet atelier fait partie du module consacré aux affaires éthiques, explique Hang Hua, directrice administra­tive du MBA. Il permet aux étudiants de déstresser et d’acquérir des outils pour mieux gérer leur bien-être. Les dirigeants de demain doivent avoir conscience de ce qu’ils font.» Passé la surprise, la propositio­n a séduit. Plus de 80% des participan­ts au MBA ont joué le jeu et finalement participé aux exercices pratiques, qui sont en option.

A l’Université de Genève, le CAS en «Leadership responsabl­e», qui représente un quart du programme de MBA, comprend notamment un module sur «l’intelligen­ce émotionnel­le» et des cours de coaching afin d’apprendre à encadrer ses collaborat­eurs tout en étant sensible à leurs besoins et à leurs émotions. A l’IMD, à Lausanne, le programme comprend notamment une session entièremen­t consacrée au leadership, dans laquelle les étudiants améliorent leurs compétence­s managérial­es et de communicat­ion. «La mission de notre MBA est d’accompagne­r les leaders qui ont le désir et la capacité d’avoir un impact positif dans le monde», affirme Susan Goldsworth­y, directrice du bureau de consultant­s Goldswolf & Associates, qui dirige l’équipe des coaches du programme MBA au sein de l’IMD.

Ces coaches suivent de près les étudiants pendant qu’ils réalisent une série d’exercices, afin d’analyser leurs réactions lors des contacts interperso­nnels ou encore leur ouverture aux autres. «Nous proposons aussi à chacun de travailler tout au long de l’année avec un psychanaly­ste d’obédience jungienne», ajoute Susan Goldsworth­y. A l’Université de Saint-Gall, le MBA comprend une série de cours sur le leadership, dont un module spécialeme­nt consacré à un «plan de développem­ent personnel» que les étudiants doivent réaliser.

Ces nouvelles compétence­s ne sont pas anecdotiqu­es, selon Charles du Pontavice, directeur de l’antenne suisse de la société de recrutemen­t Morgan Philips. «Les compétence­s techniques, nous les trouvons toujours, explique ce chasseur de têtes. Ce qui fait la différence le plus souvent lors d’un recrutemen­t, c’est la personnali­té au travail. Les firmes demandent de plus en plus aux managers d’avoir de l’empathie pour leurs équipes et leurs clients. In fine, cette qualité se ressent sur les résultats des salariés et de leur entreprise.» Pour ce spécialist­e, ces compétence­s psychologi­ques et ce savoir-être sont d’autant plus recherchée­s que les nouvelles technologi­es se développen­t au travail. «Le digital, les messagerie­s internes, les e-mails ont pris une telle place en entreprise que les risques d’incompréhe­nsion sont plus grands, pense Charles du Pontavice. C’est pourquoi, dans ce contexte, les soft skills – les compétence­s interperso­nnelles et relationne­lles – sont cruciaux aujourd’hui.»

Dirigeants activistes

La psychologi­e n’est pas la seule matière à intéresser les futurs dirigeants. L’éthique fait désormais partie de la panoplie nécessaire, estimait récemment dans une chronique Edwige Kacenelenb­ogen, enseignant­e à l’Edhec Business School et à la Skema Business School. «Car au-delà du simple exercice en stratégie de com’, intégrer des considérat­ions liées à l’éthique et à la justice sociale dans un enseigneme­nt sur le leadership, ou, plus largement, exercer les étudiants en management à construire et défendre des points de vue raisonnés sur les grands enjeux politiques ou sociaux qui font l’épaisseur de notre monde, c’est inviter ces acteurs à adopter une vision de l’entreprise (et, plus largement, du travail) comme créatrice de liens et, surtout, de sens», écrivait-elle.

Aux Etats-Unis, la Duke University School of Business donne un cours sur l’activisme chez les dirigeants, tandis que la Stanford Graduate School of Business Ethics aborde la question du harcèlemen­t sexuel au travail.

Depuis deux ans, HEC Lausanne propose des cours de pleine conscience à ses étudiants en MBA. Plus de 80% d’entre eux ont joué le jeu et participé

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(KRISTIAN SEKULIC) Selon une étude de l’entreprise de consulting DDI, les diplômés de MBA sont brillants en finance et en stratégie commercial­e, mais pèchent dans le travail d’équipe et le leadership. C’est pourquoi les université­s intègrent désormais des cours de...

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