Les MBA se mettent à la psychologie. Nos offres d’emploi
Etre un bon gestionnaire ne suffit pas pour être un bon dirigeant. C’est pourquoi, depuis quelques années, les programmes des masters en business administration (MBA) s’enrichissent de cours de développement personnel
Des mathématiques, de la finance, de l’économie. Longtemps, les chefs d’entreprise étaient avant tout ceux qui savaient compter. Les masters en business administration (MBA), formation d’excellence pour les cadres et futurs patrons, se targuaient donc d’offrir un haut niveau dans ces matières, permettant à leurs élèves de devenir des professionnels dans la manière d’investir, de gérer un budget et de placer les fonds opportunément afin de faire fleurir leur activité. Non sans succès: aux Etats-Unis, par exemple, les MBA constituent aujourd’hui les deux tiers des diplômes de niveau supérieur.
Cette ère est probablement en voie d’être révolue. L’année dernière, l’entreprise américaine de consulting DDI réalisait un grand sondage auprès de 15000 leaders actifs dans 300 entreprises et 18 pays. Sans surprise, les diplômés d’un MBA se démarquaient par leur habileté en finance, en développement commercial et en stratégie. Par contre, et c’est le plus intéressant, ils se montraient moins à l’aise que les autres dans le coaching, le travail d’équipe, et dans le fait de promouvoir leur vision du marché. La leçon de l’étude était claire: ces personnes ont besoin de renforcer leurs compétences en management et en psychologie.
Développement personnel
Les universités et écoles qui proposent des MBA ont entendu le message et tentent d’intégrer, depuis peu, de nouvelles matières à leur programme. En Pennsylvanie, la Tepper School of Business a ainsi mis en place des ateliers afin que les élèves améliorent leurs capacités d’interaction avec leurs équipes. Le mouvement est semblable en Europe: à l’EM Lyon, par exemple, tous les participants au MBA ont des modules de «développement personnel». «Cela leur permet de prendre du recul sur leur position et de trouver leurs sources de motivation, explique Anna Pauwels, responsable marketing du programme. Ils abordent des notions comme l’intelligence collective, pour être plus créatifs en équipe. Mais ils travaillent aussi sur le concept du développement personnel. Nos intervenants leur apportent des ressources basées sur le modèle de la psychologie positive. Ils ont aussi l’occasion de revenir sur ces aspects pendant les phases de mentoring, avec la personne qui accompagne leur projet.»
En Suisse, la HEC de Lausanne a été l’une des premières à faire entrer la psychologie dans les classes de MBA. Depuis deux ans, elle propose des cours de «pleine conscience» à ses élèves. «Cet atelier fait partie du module consacré aux affaires éthiques, explique Hang Hua, directrice administrative du MBA. Il permet aux étudiants de déstresser et d’acquérir des outils pour mieux gérer leur bien-être. Les dirigeants de demain doivent avoir conscience de ce qu’ils font.» Passé la surprise, la proposition a séduit. Plus de 80% des participants au MBA ont joué le jeu et finalement participé aux exercices pratiques, qui sont en option.
A l’Université de Genève, le CAS en «Leadership responsable», qui représente un quart du programme de MBA, comprend notamment un module sur «l’intelligence émotionnelle» et des cours de coaching afin d’apprendre à encadrer ses collaborateurs tout en étant sensible à leurs besoins et à leurs émotions. A l’IMD, à Lausanne, le programme comprend notamment une session entièrement consacrée au leadership, dans laquelle les étudiants améliorent leurs compétences managériales et de communication. «La mission de notre MBA est d’accompagner les leaders qui ont le désir et la capacité d’avoir un impact positif dans le monde», affirme Susan Goldsworthy, directrice du bureau de consultants Goldswolf & Associates, qui dirige l’équipe des coaches du programme MBA au sein de l’IMD.
Ces coaches suivent de près les étudiants pendant qu’ils réalisent une série d’exercices, afin d’analyser leurs réactions lors des contacts interpersonnels ou encore leur ouverture aux autres. «Nous proposons aussi à chacun de travailler tout au long de l’année avec un psychanalyste d’obédience jungienne», ajoute Susan Goldsworthy. A l’Université de Saint-Gall, le MBA comprend une série de cours sur le leadership, dont un module spécialement consacré à un «plan de développement personnel» que les étudiants doivent réaliser.
Ces nouvelles compétences ne sont pas anecdotiques, selon Charles du Pontavice, directeur de l’antenne suisse de la société de recrutement Morgan Philips. «Les compétences techniques, nous les trouvons toujours, explique ce chasseur de têtes. Ce qui fait la différence le plus souvent lors d’un recrutement, c’est la personnalité au travail. Les firmes demandent de plus en plus aux managers d’avoir de l’empathie pour leurs équipes et leurs clients. In fine, cette qualité se ressent sur les résultats des salariés et de leur entreprise.» Pour ce spécialiste, ces compétences psychologiques et ce savoir-être sont d’autant plus recherchées que les nouvelles technologies se développent au travail. «Le digital, les messageries internes, les e-mails ont pris une telle place en entreprise que les risques d’incompréhension sont plus grands, pense Charles du Pontavice. C’est pourquoi, dans ce contexte, les soft skills – les compétences interpersonnelles et relationnelles – sont cruciaux aujourd’hui.»
Dirigeants activistes
La psychologie n’est pas la seule matière à intéresser les futurs dirigeants. L’éthique fait désormais partie de la panoplie nécessaire, estimait récemment dans une chronique Edwige Kacenelenbogen, enseignante à l’Edhec Business School et à la Skema Business School. «Car au-delà du simple exercice en stratégie de com’, intégrer des considérations liées à l’éthique et à la justice sociale dans un enseignement sur le leadership, ou, plus largement, exercer les étudiants en management à construire et défendre des points de vue raisonnés sur les grands enjeux politiques ou sociaux qui font l’épaisseur de notre monde, c’est inviter ces acteurs à adopter une vision de l’entreprise (et, plus largement, du travail) comme créatrice de liens et, surtout, de sens», écrivait-elle.
Aux Etats-Unis, la Duke University School of Business donne un cours sur l’activisme chez les dirigeants, tandis que la Stanford Graduate School of Business Ethics aborde la question du harcèlement sexuel au travail.
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Depuis deux ans, HEC Lausanne propose des cours de pleine conscience à ses étudiants en MBA. Plus de 80% d’entre eux ont joué le jeu et participé