Le mal-être socialiste face à la digitalisation
L’établissement d’une stratégie économique cohérente est un casse-tête au PS. Ce samedi, ses délégués se pencheront une nouvelle fois sur un projet de programme. Il a été enfanté dans la douleur. Les divisions restent profondes entre, d’un côté (gauche), les ennemis du capitalisme et partisans de la codécision à tous les étages, et, de l’autre côté (droite), les réformistes adeptes de l’économie sociale de marché et d’une appréhension positive de la digitalisation.
Le dernier programme économique du PS date de 2006. En 2016, une tentative de renouvellement a failli provoquer un schisme grave. Réunie en congrès à Thoune, la base du parti avait adopté un document sur la «démocratie économique» qui ambitionnait en particulier de concrétiser le «dépassement du capitalisme». A la suite d’un quiproquo, le président Christian Levrat a même été accusé de vouloir relancer la «lutte des classes».
Cette affaire a donné naissance à une aile sociale-libérale à laquelle appartiennent une vingtaine de membres du parti, dont plusieurs ténors alémaniques de la scène fédérale. Ils auraient pu claquer la porte. Ils ont préféré agir à l’intérieur pour recentrer la ligne économique du PS et, surtout, la rendre plus en adéquation avec l’époque dans laquelle la Suisse vit.
Comme il l’avait promis, le PS a rouvert le chantier de sa politique économique afin de tenter de concilier des positions très divergentes. Cela a débouché sur le projet «Economie 4.0», qui sera discuté samedi puis adopté cet automne. Le chef de projet, le conseiller national bâlois Beat Jans, ne s’est pas trop mal tiré de cet exercice de haute voltige. Mais le travail est loin d’être achevé: 60 motions ont été déposées pour amender le texte. Aiguillons, trublions, les Jeunes socialistes n’ont d’ailleurs pas abandonné l’idée de «dépasser le capitalisme». La motion 43, qui porte leur signature, propose ni plus ni moins de remettre en question la notion de propriété privée! Mais passons…
Comme le rapport se nomme «Economie 4.0», on s’attend à y trouver des réflexions solides sur la numérisation de la société et de l’économie. Mais l’approche reste timorée. Le chapitre consacré aux risques est deux fois plus long que celui qui énumère les opportunités offertes par la digitalisation. Les réformistes regrettent à juste titre l’approche «défensive et ambivalente» des auteurs du rapport. Cette prudence n’est pas étonnante: les conséquences sur l’emploi n’étant pas simples à appréhender, le PS et les syndicats ont toujours eu du mal à traiter ce sujet.
Or, ils n’auront pas le choix: il ne suffit pas de critiquer le statut, nouveau et précaire, des employés des plateformes numériques, il faut adapter l’encadrement contractuel et social, comme le reconnaît le Conseil fédéral lui-même dans une réponse à un postulat du PLR.
Le PS rouvre le chantier de sa politique économique pour concilier des positions très divergentes