Le Temps

Le mal-être socialiste face à la digitalisa­tion

- BERNARD WUTHRICH @BdWuthrich

L’établissem­ent d’une stratégie économique cohérente est un casse-tête au PS. Ce samedi, ses délégués se pencheront une nouvelle fois sur un projet de programme. Il a été enfanté dans la douleur. Les divisions restent profondes entre, d’un côté (gauche), les ennemis du capitalism­e et partisans de la codécision à tous les étages, et, de l’autre côté (droite), les réformiste­s adeptes de l’économie sociale de marché et d’une appréhensi­on positive de la digitalisa­tion.

Le dernier programme économique du PS date de 2006. En 2016, une tentative de renouvelle­ment a failli provoquer un schisme grave. Réunie en congrès à Thoune, la base du parti avait adopté un document sur la «démocratie économique» qui ambitionna­it en particulie­r de concrétise­r le «dépassemen­t du capitalism­e». A la suite d’un quiproquo, le président Christian Levrat a même été accusé de vouloir relancer la «lutte des classes».

Cette affaire a donné naissance à une aile sociale-libérale à laquelle appartienn­ent une vingtaine de membres du parti, dont plusieurs ténors alémanique­s de la scène fédérale. Ils auraient pu claquer la porte. Ils ont préféré agir à l’intérieur pour recentrer la ligne économique du PS et, surtout, la rendre plus en adéquation avec l’époque dans laquelle la Suisse vit.

Comme il l’avait promis, le PS a rouvert le chantier de sa politique économique afin de tenter de concilier des positions très divergente­s. Cela a débouché sur le projet «Economie 4.0», qui sera discuté samedi puis adopté cet automne. Le chef de projet, le conseiller national bâlois Beat Jans, ne s’est pas trop mal tiré de cet exercice de haute voltige. Mais le travail est loin d’être achevé: 60 motions ont été déposées pour amender le texte. Aiguillons, trublions, les Jeunes socialiste­s n’ont d’ailleurs pas abandonné l’idée de «dépasser le capitalism­e». La motion 43, qui porte leur signature, propose ni plus ni moins de remettre en question la notion de propriété privée! Mais passons…

Comme le rapport se nomme «Economie 4.0», on s’attend à y trouver des réflexions solides sur la numérisati­on de la société et de l’économie. Mais l’approche reste timorée. Le chapitre consacré aux risques est deux fois plus long que celui qui énumère les opportunit­és offertes par la digitalisa­tion. Les réformiste­s regrettent à juste titre l’approche «défensive et ambivalent­e» des auteurs du rapport. Cette prudence n’est pas étonnante: les conséquenc­es sur l’emploi n’étant pas simples à appréhende­r, le PS et les syndicats ont toujours eu du mal à traiter ce sujet.

Or, ils n’auront pas le choix: il ne suffit pas de critiquer le statut, nouveau et précaire, des employés des plateforme­s numériques, il faut adapter l’encadremen­t contractue­l et social, comme le reconnaît le Conseil fédéral lui-même dans une réponse à un postulat du PLR.

Le PS rouvre le chantier de sa politique économique pour concilier des positions très divergente­s

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