Gibson joue la marche funèbre
Le mythique fabricant américain de guitares est en grande difficulté. Les passionnés imaginent le pire: la fermeture définitive du groupe né à Nashville, temple de la musique
Le fabricant de guitares Gibson semblait immortel pour les amateurs de musique, et pourtant. L’entreprise américaine est en proie à de grandes difficultés financières. Selon le Nashville Post, Gibson Brands doit payer 375 millions de dollars au début du mois d’août en raison de l’arrivée d’obligations à échéance. Le groupe travaille «actuellement» avec une banque d’affaires pour établir un plan de refinancement de sa dette, explique l’entreprise dans un communiqué. Un nouveau directeur financier a été engagé en catastrophe pour éviter la faillite.
La froideur des chiffres tranche avec l’histoire de ces instruments mythiques. Ils sont passés entre les mains des plus grands: John Lennon, Bob Marley, B. B. King ou Elvis Presley. Résultat: des concerts légendaires, de la sueur et des chansons qui ont marqué les esprits. En 2015, un modèle utilisé par John Lennon pour composer des titres des Beatles comme «She Loves You» s’est vendu pour 2,4 millions de dollars.
Cette réputation prestigieuse ne suffit pas. «Même si les segments instruments de musique et audio professionnel sont rentables et en croissance, ils sont toujours sous le niveau connu il y a quelques années», a expliqué son patron, Henry Juszkiewicz. La stratégie est donc repensée de fond en comble. Mais les admirateurs de la marque sont loin d’être rassurés. «Que se passe-t-il avec @gibsonguitar? S’il vous plaît, les gars, remettez-vous sur pied, vous êtes la plus grande compagnie de guitares au monde», implore @MartinNinin sur Twitter.
Un autre internaute a lancé un appel à l’aide: «Il n’y a pas ici un milliardaire en bitcoins prêt à faire une bonne oeuvre en investissant dans l’entreprise?» Sur le réseau social, l’enseigne a récemment partagé un cliché d’une sublime guitare posée sur un tissu sombre. Avec ce simple mot: «Notre genre de coucher de soleil.» Comme un mauvais présage.
Gibson n’est pas le seul fabricant en difficulté, tout le secteur est sur la corde raide. Les luthiers ont connu de rudes années, frappés par un ralentissement spectaculaire de la demande pour les instruments, ce qui s’est logiquement traduit par une baisse des bénéfices.
L’année dernière, le Washington Post a consacré un long article à la chute des ventes de guitares électriques. Le quotidien américain regrettait l’absence de nouveaux visages sur scène et allait jusqu’à écrire que le rock était tout simplement devenu obsolète. Des chiffres récents lui donnent raison. Le rap a dépassé le rock en tant que genre musical le plus populaire aux EtatsUnis.
Comme l’écrit Libération, s’agit-il des derniers riffs pour les Gibson? La marque a plus d’une corde à son arc. En 2014, l’entreprise a racheté la branche divertissement du géant Philips qui comprend des enceintes, des stations d’accueil pour smartphones ou encore des casques audio. Une diversification nécessaire pour résister à la concurrence des marques asiatiques.
Les services web pourraient également offrir une nouvelle vie à ces instruments légendaires. «La popularité du commerce électronique a permis aux fabricants de guitares d’élargir leur clientèle dans diverses régions du monde sans frais supplémentaires», peut-on lire dans un long rapport de Technavio, une société spécialisée dans les études de marché.
Autre signe positif: il suffit désormais de quelques clics pour trouver des cours de musique sur des plateformes comme YouTube. Les jeunes générations raffolent de ces tutoriels en accès libre, et ce phénomène pourrait être un facteur de croissance pour le marché de la guitare. Un internaute supplie d’ailleurs Gibson de résister à cette tempête. Il comptait s’en offrir une tout prochainement.
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