Faut-il supprimer l’heure d’été?
Dans un mois, le 25 mars à 2h du matin, nous passerons à l’heure d’été et aux rituels qui l’accompagnent. S’engueuler la veille au soir pour départager ceux qui veulent avancer les aiguilles et ceux qui tiennent absolument à les reculer. Ecouter les théories de chacun pour prouver que l’on gagne ou l’on perd une heure de sommeil, empêtré dans une nouvelle version de plus t’avances moins vite, moins ça recule plus fort. Louper son premier rendez-vous du matin faute d’avoir trouvé dans le mode d’emploi de la voiture, et malgré ses 325 pages en huit langues, comment régler l’horloge.
Dans mon entourage, certains que je ne citerai pas, passent toute la saison à rectifier mentalement les indications horaires bravement affichées par leur engin, le plus difficile étant évidemment d’inverser la mécanique mentale au moment du passage à l’heure d’hiver. Pester contre les multiples pendules non connectées de la maison en se demandant pourquoi le four micro-ondes refuse obstinément de s’aligner sur le smartphone. Engueuler les enfants qui refusent de s’endormir le soir et, conséquemment, de se réveiller le matin. Bougonner qu’il faisait enfin jour à 6h30 et que l’on retombe dans la nuit. J’en passe et des meilleures…
Compte tenu de la météo polaire qui règne dans nos contrées, cette chronique semblera hors contexte. Au contraire, puisque la Commission des transports du Parlement européen propose d’abolir l’heure d’été et que, à une majorité de 70%, les députés ont demandé qu’on en évalue les avantages et les inconvénients avant de prendre une décision. Ainsi, c’est après plus de trente-cinq ans d’application que la question de savoir si la mesure est bonne, saine et utile vient chatouiller l’UE, qui a pourtant fait de l’évaluation des politiques publiques une exigence réglementaire. Mieux vaut tard que jamais répondront les optimistes, mais c’est un peu vexant sachant que l’heure d’été a été jugée inutile et abolie en Chine en 1992 déjà, en Argentine en 2009, en Russie en 2011 et en Turquie en 2016, pour ne citer que les grands pays. Dès lors, il ne reste plus guère que la vieille Europe, les Etats-Unis et le Brésil à faire leur gymnastique rituelle deux fois par an!
A l’origine, il s’agissait de réduire la consommation d’énergie en soirée. La mesure devait être temporaire (l’une des épithètes les plus mensongères du vocabulaire politique) et cesser une fois passé le choc pétrolier. Au lieu de cela, elle perdure et la période dite estivale a même été élargie à sept mois plutôt que six. Aujourd’hui, de nombreuses études ont prouvé que les économies d’électricité sont marginales, celles du soir étant en partie annulées par la consommation supplémentaire du matin, due essentiellement à l’éclairage public et non au caractère matinal de la population.
Les bienfaits du changement d’heure seraient donc aujourd’hui essentiellement «culturels» en relation avec les loisirs mais cet avantage putatif n’est pas assez déterminant pour supplanter les inconvénients révélés par les nombreuses études parues à ce sujet. Le changement d’heure aurait en effet des conséquences sur la santé en imposant un changement du biorythme du corps, entraînant des troubles du sommeil (fallait-il vraiment une étude pour une conclusion si évidente?). Une statistique suédoise publiée en 2008 constatait une augmentation significative du risque de crise cardiaque dans la semaine suivant la modification horaire, une autre venant de France révélait une prise de médicaments accrue dans cette période. Toutefois, le corps médical reste prudent et se montre peu convaincu d’un véritable problème de santé publique.
Ainsi, l’heure d’été ne serait ni vraiment utile ni vraiment nuisible… Juste un barnum technocratique parmi tant d’autres que nous imposent les modes idéologiques, au mépris de la réticence des peuples dont le bon sens l’emportera toujours sur les usines à gaz administratives.
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mh.miauton@bluewin.ch