Le Temps

L’argent de la corruption vénézuélie­nne en Suisse

- MIGUEL RODRIGUES ET MATHILDE FARINE, ZURICH @MathildeFa­rine

Credit Suisse abriterait des comptes d’ex-hauts responsabl­es du pays latino-américain inculpés pour corruption par le Départemen­t américain de la justice. La Finma enquête sur le volet suisse d’un scandale évalué à un milliard

Plusieurs banques suisses auraient accueilli des fonds venant d'une affaire de détourneme­nt de fonds au Venezuela, qui n'est pas sans rappeler le scandale Petrobras au Brésil. Selon le Départemen­t américain de la justice (DoJ), les montants impliqués atteindrai­ent jusqu'à un milliard de dollars au total, dont une partie reposerait en Suisse.

En octobre, quatre hauts responsabl­es vénézuélie­ns ont été arrêtés en Espagne à la demande des autorités américaine­s, dont un ancien vice-ministre de l'Energie du gouverneme­nt Chávez, Nervis Villalobos Cardenas. Ils étaient accusés d'avoir détourné les fonds de la compagnie pétrolière nationale du Venezuela (PDVSA), dont une partie, évaluée à 27 millions, aurait été blanchie en Suisse.

Cinq personnes visées

La semaine dernière, le Départemen­t américain de la justice a inculpé les quatre personnes, ajoutant un cinquième complice toujours en fuite, de blanchimen­t d'argent et d'associatio­n de malfaiteur­s. Les cinq Vénézuélie­ns auraient exigé des pots-de-vin entre 2011 et 2013 à des fournisseu­rs contre leur aide pour obtenir des contrats avec PDVSA et la priorité dans le paiement des factures lorsque l'entreprise s'est trouvée à court de liquidités.

D'après le Tages-Anzeiger de mercredi, c'est Credit Suisse qui aurait accueilli une partie des fonds. La banque a refusé de commenter ce cas, précisant qu'elle dispose de mécanismes de contrôle interne pour lutter contre la criminalit­é financière.

L'Office fédéral de la justice, qui dit avoir reçu des demandes d'entraide venant des Etats-Unis, a demandé des informatio­ns à une vingtaine de banques, dont il ne donne pas les noms, et a bloqué plus de 100 millions dans deux cas de corruption liés à PDVSA depuis 2014. Des cas «qui concernent les mêmes faits mais différente­s personnes», précise un porte-parole.

Similaire à l’affaire FIFA

La Suisse a remis 51 millions aux autorités américaine­s fin 2016 et la collaborat­ion se poursuit. Ces deux procédures d'entraide juridique ont une «dimension proche de celle de l'affaire qui a secoué la FIFA. Il est question de la levée de la transmissi­on de preuves d'une étendue équivalant à plusieurs centaines de classeurs fédéraux», ajoute le porte-parole.

Les accusés ne se seraient pas adressés directemen­t à Credit Suisse. Ils auraient été aidés par une société de gestion identifié par le DoJ comme la «Swiss Company A». D'après un nouvel article du Tages-Anzeiger ce jeudi, il s'agirait d'Eagle Wealth Management. Contactée, la société zurichoise ne commente pas l'affaire. «En tant qu'entreprise régulée, nous nous conformons à toutes les régulation­s applicable­s en tout temps», a-t-elle précisé.

Enquête de la Finma

De son côté, la Finma, le régulateur helvétique, a ouvert une enquête sur plusieurs banques qu'elle ne nomme pas à ce stade. Elle cherche à mesurer l'implicatio­n des institutio­ns suisses dans cette affaire et à vérifier que les mesures anti-blanchimen­t sont correcteme­nt appliquées. Son enquête se penchesur divers cas en Amérique du Sud.

PDVSA est la source principale de revenus pour le gouverneme­nt vénézuélie­n. Hugo Chávez avait remanié sa direction en 2002 pour y installer des fidèles de son régime. Selon un rapport du parlement vénézuélie­n, 11 milliards de dollars auraient été détournés entre 2004 et 2014.

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