Berlin est jugé trop proche des constructeurs automobiles
Depuis le scandale des moteurs diesel truqués, la proximité de la classe politique avec l’industrie automobile est de plus en plus critiquée
Qu’ils s’appellent Gerhard Schröder ou Angela Merkel, les chefs du gouvernement allemand s’affublent traditionnellement volontiers du surnom de «chancelier(e) de l’automobile», un secteur qui emploie 800000 personnes en Allemagne et est un pilier des exportations.
Mais depuis le scandale des moteurs diesel truqués, la proximité affichée depuis des années par le lobby automobile avec la politique est de plus en plus critiquée. Cette proximité, assurent ses détracteurs, serait en partie responsable du climat qui a permis de tels abus.
Sur la sellette – alors que le scandale ne cesse de rebondir –, les allers-retours fréquents accomplis par les lobbyistes du secteur entre industrie et politique, et le poids des dons accordés par les constructeurs aux partis politiques.
«Chère Angela»
Lorsque le principal lobbyiste automobile allemand écrit à Angela Merkel, ses lettres commencent par «très respectée chancelière, chère Angela»… Matthias Wissmann et Angela Merkel se tutoient. Ils se connaissent depuis les années 90, lorsque tous deux siégeaient au gouvernement d’Helmut Kohl, lui en tant que ministre des Transports, elle en tant que ministre de l’Environnement.
Matthias Wissmann est depuis 2007 le patron de la Fédération allemande de l’industrie automobile (VDA). A l’automne 2017, il a plaidé auprès de fonctionnaires de l’Union européenne pour une réduction moins importante que prévu des émissions de CO2 pour l’industrie automobile. Et en 2013, il avait mis en garde Angela Merkel contre des normes européennes plus strictes. Quelques semaines plus tard, l’Allemagne bloquait l’adoption par Bruxelles de normes plus contraignantes pour les émissions de CO2.
«Le gouvernement allemand se comporte depuis des années comme l’ange gardien de l’automobile, s’indigne Timo Lange, de l’organisation LobbyControl. Cela a permis l’instauration d’un climat favorable aux abus et aux manipulations. On l’a vu avant le scandale du diesel, mais aussi après. Le ministre des Transports, Alexander Dobrindt [du parti ultra-conservateur bavarois CSU, ndlr], s’est toujours mis en avant pour protéger l’industrie.»
Les détracteurs de ce système bien rodé critiquent principalement les allers-retours fréquents accomplis par les lobbyistes entre industrie et politique. Un ancien porte-parole de la CSU, Maximilian Schöberl, est chef de la communication de BMW depuis 2006. Eckart von Klaeden, CDU, était proche collaborateur d’Angela Merkel avant de passer chez Daimler, où il occupe depuis 2013 le poste de lobbyiste en chef.
Quant à Volkswagen, le groupe a recruté en 2012 l’ancien porte-parole adjoint du gouvernement Thomas Steg, SPD et ancien chef du bureau de Gerhard Schröder, dans son équipe de lobbying.
«Lorsque ces lobbyistes nous contactent, nous savons bien qu’ils cherchent à influencer le processus législatif», explique Martin Burkert, député SPD du Bundestag, qui assure à la presse allemande recevoir «des invitations permanentes de BMW, Volkswagen ou Daimler».
La pression est d’autant plus forte que les constructeurs sont également d’importants donateurs des partis politiques. Depuis les élections de 2013, CDU, CSU, SPD et FDP ont reçu plus de 2,1 millions d’euros du secteur, dont 1,3 million pour la seule CDU. En tête des donateurs figurent Susanne Klatten et Stefan Quandt, les principaux actionnaires de BMW, ainsi que Daimler. «En Allemagne, on a un cartel de l’industrie automobile et un cartel des partis automobiles», résume le Vert Anton Hofreiter.
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