Le Temps

Le certificat médical: quelle valeur?

- AVOCAT AU BARREAU DE GENÈVE

Pendant des décennies, le certificat d’arrêt de travail, décerné par un médecin, était considéré comme prouvant l’incapacité alléguée par le salarié, sauf démonstrat­ion contraire par l’employeur ou par la compagnie d’assurances couvrant la perte de gain. La valeur du certificat résultait de la qualité de son auteur, soit un médecin exerçant une profession libérale, tenu par les règles de la déontologi­e et passible, en cas de faux, d’une condamnati­on pénale.

Depuis 2015, la situation a fondamenta­lement changé. Appliquant le nouveau Code de procédure civile, le Tribunal fédéral a jugé qu’un certificat médical n’a pas la force probante d’un titre: en principe, il ne vaut pas davantage qu’une allégation du salarié, dont le médecin est le mandataire.

En conséquenc­e, si l’employeur ou l’assurance conteste le certificat médical, le salarié doit soumettre d’autres indices ou preuves, par exemple le témoignage suffisamme­nt détaillé et vraisembla­ble du médecin, assermenté à l’audience du tribunal, ou encore l’expertise d’un autre médecin désigné par le tribunal.

Cela ne signifie pas que l’employeur ou l’assurance puisse, par une simple contestati­on en bloc, priver le certificat médical de toute valeur probante. Selon la jurisprude­nce, la contestati­on doit intervenir à temps et porter sur des faits précis. Cette exigence suppose que le certificat soit suffisamme­nt détaillé pour que l’employeur ou l’assurance puisse se déterminer sur son contenu.

Nombreuses conséquenc­es

Cette nouvelle jurisprude­nce entraîne plusieurs conséquenc­es.

D’abord, en cas de contestati­on, le salarié devra souvent choisir entre la sauvegarde du secret médical et la preuve des faits obligeant l’employeur ou l’assurance à verser le salaire ou des indemnités. C’est en somme le régime normal: le créancier (le travailleu­r) doit prouver les faits (l’incapacité) qu’il invoque; ni le secret ni le certificat médical ne sauraient le dispenser de cette preuve.

En outre, les médecins qui se prononcent sur une incapacité de travail devront être prêts à soumettre à un expert ou à un tribunal les constatati­ons fondant leur verdict. Ce sera le cas tant du médecin traitant que du médecin-conseil de l’employeur ou de l’assurance. D’où des tâches administra­tives supplément­aires, voire du temps consacré à des audiences au Tribunal des prud’hommes.

Enfin, en cas de conflit entre le salarié et l’employeur (ou des collègues), le médecin ne pourra pas se contenter de faire siennes les allégation­s du salarié. Il devra soigneusem­ent faire la distinctio­n entre, d’une part, ses propres constatati­ons et, d’autre part, les explicatio­ns de son patient. Lorsqu’il paraît épouser, sans preuve, les affirmatio­ns ou griefs de son client, le médecin sacrifie sa crédibilit­é.

Le certificat médical ne constitue plus une preuve magique. En définitive, l’incapacité de travail est constatée par le juge.

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GABRIEL AUBERT

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