Le Temps

Tout le monde aime Michelle Gisin

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Quatre ans après la médaille d’or de sa soeur Dominique en descente, Michelle Gisin a remporté le combiné alpin des Jeux. Ses qualités humaines en font une athlète unanimemen­t appréciée

scène remonte à la fin de la semaine dernière. Au pied du halfpipe des Jeux olympiques de Pyeongchan­g, la conversati­on s’engage avec une envoyée spéciale du New York Times. «Vous venez de Suisse? C’est amusant: j’ai rencontré ce matin dans le bus une sportive suisse, une fille formidable, sympathiqu­e, intelligen­te, drôle. The sweetest girl on earth! Je crois qu’elle fait du ski alpin mais je ne me rappelle pas son nom…» Michelle Gisin? «Voilà, c’est ça!»

Jeudi, cette journalist­e aura sans doute été ravie d’apprendre la skieuse de 24 ans a remporté la médaille d’or du combiné alpin, devant la grande favorite Mikaela Shiffrin et son amie d’enfance Wendy Holdener. En février dernier, les deux Suissesses étaient déjà montées ensemble sur le podium de la spécialité, mais dans l’autre ordre: la Schwytzois­e brune sur la première marche, l’Obwaldienn­e blonde sur la deuxième. C’est pourtant cette dernière qui avait l’air la plus heureuse des deux. Non seulement elle avait remporté une médaille lors d’un grand événement, mais en plus sa pote avait gagné la course!

Clin d’oeil familial

C’est cette bonne attitude qui rend Michelle Gisin spéciale. Rares sont les athlètes qui, comme elle, font l’unanimité auprès de leurs responsabl­es, de leurs coéquipier­s, des observateu­rs et du public. Jeudi, lorsque Lindsey Vonn – la dernière concurrent­e à s’élancer – est partie à la faute et que la médaille d’or de la Suissesse fut garantie, les envoyés spéciaux des médias suisses ont mis leur impartiali­té journalist­ique en veilleuse le temps d’un cri du coeur. Pas pour se réjouir des malheurs de l’Américaine, mais du bonheur d’une skieuse qu’ils apprécient humainemen­t.

Tout le monde aime Michelle. Parce qu’elle ne prend personne de haut. Parce qu’elle ne donne jamais l’impression de s’ennuyer. Parce qu’elle jongle avec les langues pour le confort de son interlocut­eur (elle parle suisse alémanique, allemand, anglais, français, italien et elle apprend l’espagnol). Parce que, finalement, elle rappelle à ceux qui l’ont côtoyée sa grande soeur Dominique.

Aux Jeux olympiques de 2014, à Sotchi, cette dernière avait conclu sa carrière au plus haut niveau en décrochant, ex aequo avec la Slovène Tina Maze, une médaille d’or en descente. Cet exploit a inspiré ses deux cadets, Marc et Michelle, tous les deux présents à Pyeongchan­g avec l’équipe de Suisse de ski. A son arrivée en Corée du Sud, la petite dernière de la fratrie – slalomeuse de formation – confiait son rêve d’imiter son aînée en montant sur le podium de la descente, épreuve dans laquelle elle se découvre cette saison un talent insoupçonn­é. «Ce serait un joli clin d’oeil à l’histoire familiale», souriait-elle.

Première victoire en carrière

Peut-être s’est-elle mis trop de pression. Peut-être n’aurait-elle pas dû s’investir de la mission de défendre le titre olympique de sa soeur. Toujours est-il que mercredi, elle a terminé la descente à une huitième place synonyme de diplôme et de déception. Mais comme par magie, elle a retrouvé son meilleur ski avant le combiné du lendemain.

Sa manche de vitesse: magnifique, bouclée au troisième rang provisoire. Sa manche technique: meilleure qu’elle n’aurait osé l’espérer, après son seizième rang en slalom

vendredi dernier. «Je n'avais pas l'impression d'être capable de faire ça. Je dois être honnête: mon slalom m'a posé des problèmes toute la saison. Finalement, c'est aujourd'hui que toutes les pièces du puzzle se sont réunies.» Exactement au bon moment pour fêter une première grande victoire. Un premier succès tout court, même: depuis ses débuts en Coupe du monde, la skieuse d'Engelberg a pris 85 départs pour trois podiums, mais jamais elle n'était montée sur la plus haute marche.

Quelques minutes après son titre olympique, Michelle Gisin assurait que sa victoire n'égalait pas, dans son coeur, celle de sa soeur voilà quatre ans. «Je pense que ma médaille d'or restera quelque chose d'important dans nos vies, mais pour moi, le moment le plus fort sera toujours sa victoire à Sotchi.» Sa soeur Dominique, son frère Marc et leurs parents, Bea et Beat, sauront, eux, célébrer l'exploit de la petite dernière comme il se doit. «Oui, au terme de la Coupe du monde dans trois semaines, nous ferons la fête, promettait Michelle Gisin en bas de la piste de Jeongseon. Mais pour l'instant, le chocolat me manque, le fromage me manque, c'est l'heure de rentrer à la maison!»

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