Le Temps

Spirou et Fantasio, panade dans le Zorglublan­d

- ANTOINE DUPLAN @duplantoin­e

Le petit groom dynamique et son hurluberlu de copain sortent des bandes dessinées pour s’essayer au cinéma. On est assez loin du génie de Franquin

Un petit rouquin pique une livrée de groom pour s’introduire dans un hôtel et y exercer ses talents de pickpocket. Un journalist­e prétentieu­x se pointe pour une conférence de presse et se cogne à l’aigrefin. Ils se prennent de bec. Le faux groom s’introduit dans la chambre d’un mycologue, le comte de Champignac. C’est alors que les agents du grand Zorglub entrent en scène! Spirou et Fantasio s’élancent à leur poursuite, flanqués malgré eux de Seccotine, jusqu’à la base secrète de l’aspirant maître du monde, au fond du Sahara.

Spirou est interprété par Thomas Solivérès, un jeune comédien qui a joué dans trop de navets pour les citer tous, Fantasio par le très grimaçant Alex Lutz (même remarque). Ils s’agitent devant la caméra d’Alexandre Coffre, qui n’est pas un génie, comme le prouvent Une pure affaire, l’effroyable Eyjafjalla­jökull et Le Père Noël. Limité dans son talent et dans son budget, le réalisateu­r décide d’inventer la rencontre des personnage­s et adapte n’importe comment Z comme Zorglub (1961), sans approcher, même de loin, le génie d’André Franquin.

«Eviv Bulgroz!»

Le film déborde de manquement­s. Il ne réussit pas à respecter la charte graphique (Spirou est plus grand que Fantasio et même que Champignac) et surtout psychologi­que: Spirou, le «champion de la bonne humeur», est un petit voleur à la tire, et Fantasio, «l’espiègle au grand coeur», un nabot vociférant. Ils s’envoient des vannes comme dans une sitcom vulgaire au gré d’un scénario inconsista­nt.

Par manque de moyens, Zorglub se déplace dans une bête limousine et non dans une élégante zorglumobi­le, Spip l’écureuil n’a pas droit à un chouette avatar de pixels, juste à une rare doublure et trois plans éloignés. Quant au Marsupilam­i, il est évidemment absent pour des raisons de droits. En guise de consolatio­n, on jouit de quelques mots en zorglangue («Eviv Bulgroz!») et d’une démonstrat­ion des effets du métomol, le gaz qui ramollit les métaux.

Sauvé par Zorglub

On frôle le désastre mais miracle! il y a Zorglub. C’est Ramzy Bédia qui, crâne rasé, l’incarne, et l’ancien partenaire d’Eric a compris le profil de ce génie du mal et de la gaffe réunis qui se prend les pieds dans ses rêves de grandeur. Il amène au personnage la dinguerie idoine quand il clame «la dernière lettre de l’alphabet va devenir la première», amenant la touche surréalist­e qui sauve Les Aventures de Spirou de l’infamante nullité de Boule et Bill ou de Benoît Brisefer, si maltraités par le cinéma. V Les Aventures de Spirou et Fantasio d’Alexandre Coffre (France, 2018), avec Thomas Solivérès, Alex Lutz, Ramzy Bédia, Christian Clavier, 1h29. Les étoiles du Temps: VVVVOn adule VVVOn admire VVOn estime VOn supporte xOn peste xxOn abhorre –On n’a pas vu

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